Sergou, le chasseur, la lance entre les mains, guette sa proie. Ses pas effleurent la terre, juste ce qu'il faut pour se mouvoir sans faire peur à la bête. Le chasseur a appris à se fondre dans cette végétation, il est cette végétation. Pourtant, des hommes se sont arrogé le droit de vie ou de mort sur des êtres libres. Ils ont décidé de l'arracher à sa terre car il était noir. Maalam Ben Aïssa ferme les yeux, gratte son gumbri. Il voit sergou. Il est sergou. A différentes occasions, le maalem aimait répéter cette phrase : «Quand je chante la chanson de sergou, mon être ne m'appartient plus, je ne suis plus là, je suis ce chasseur libre.» Une transhumance ressentie par son âme et qu'il savait très bien transmettre à ceux qui l'écoutaient. Le chasseur de notes La salle Ibn Zeydoun a rassemblé, récemment, de nombreux amis et artistes pour rendre hommage, une année après sa disparition, à ce chasseur de notes musicales. Ben Aïssa Behaz savait capter les sons puisés dans son for intérieur immensément chargé de sensibilité, de vécu et d'histoires familiales. Présenté par le ministère de la Culture, le festival national de la musique diwane et le festival international de la musique diwane, le concert a regroupé de nombreux groupes et artistes dont Joe Batouri, Mohamed Rouane, Harmonica, Ouled Hawssa, Africa Influence. L'intégralité de la vente des billets sera reversée à la famille de Ben Aïssa. Au son des gumbris, crotales et djembi, les sonorités africaines et l'esprit gnaoui ont envahi la scène. Même Mohamed Rouane a su tirer des cordes de son instrument ces sonorités-là. Dawi Hali et Baba Hamouda enflamment l'assistance et déchaînent l'expression des corps dans des danses endiablées. Il chantait avec le cœur et l'âme Maalem Ben Aïssa faisait partie de ces artistes qui chantent avec leur cœur et leur âme. A son gumbri il arrachait des timbres qui vous transperçaient. Très traditionnel dans son jeu pour sauvegarder l'esprit de la maison Bambara, dont il est issu, il ne se privait pas de jouer des notes de blues. A travers des rencontres avec d'autres artistes, il a su traduire les relations entre les peuples et leur histoire, la magnifique fusion de la Kora de Ali Bounto Sonto et du gumbri du maalam restera dans les annales. La musique s'envole vers les cieux, là-haut, maalem Ben Aïssa, sa grand-mère, et maalem El Hadj, son père, pourraient sortir leur gumbri pour une autre derdeba.