Les médias égyptiens, notamment privés, mais dont certains sont contrôlés par le clan Moubarak, qui ont allumé le feu de la discorde avec l'Algérie, ont cessé depuis mardi soir la campagne haineuse contre les «barbares». Ils ont, en revanche, ouvert même timidement une autre campagne, celle de l'apaisement qui ne dit pas son nom, en pensant surtout aux intérêts économiques et commerciaux de leur pays en Algérie qu'ils voient sérieusement menacés. Hier, le rédacteur en chef d'El Ahram évoquait sur la chaîne publique ESC cette éventualité, affirmant même que l'Algérie a l'intention de bouter hors du pays les investisseurs de son pays. Lui aussi a demandé que les opérateurs égyptiens dont les affaires ont subi des dégâts en Algérie soient indemnisés, en suggérant de recourir pour ce faire, soit au dialogue avec Alger, soit à l'arbitrage international. Sur cette chaîne comme sur d'autres, il a été annoncé le départ hier, mercredi, d'un haut responsable égyptien des sports pour la Suisse pour déposer un «dossier complet» auprès de la FIFA, sur toutes les péripéties qui avaient entouré les deux matches entre l'équipe algérienne et son homologue égyptienne. Seulement, il est précisé que ce dossier «dénonce» preuve à l'appui le comportement hostile des Algériens à l'égard des Egyptiens et de leurs biens en Algérie. On connaît la musique. Cette initiative des officiels égyptiens est d'abord destinée à la consommation interne, ensuite à alléger un tant soit peu les sanctions attendues contre la Fédération égyptienne de football par la FIFA, suite à l'agression caractérisée des Verts le 12 novembre à leur arrivée au Caire. L'autre chaîne privée qui menait une campagne hystérique contre l'Algérie, celle appartenant au groupe Orascom, qui a été destinataire d'un avis du fisc algérien sur un redressement fiscal, et qu'il n'a absolument pas digéré, semble revenir à de meilleurs sentiments. Dans la soirée du mardi, ce média a consacré une émission aux artistes égyptiens, dont Omar Sharif, qui ont lu une motion, qui impute la responsabilité de la crise à des minorités dans les deux camps, appelant «les deux parties» à tourner la page, et les Egyptiens à «oublier les mauvais traitements» et à pardonner. Mais ces belles intentions comportent un hic, puisque le texte invite les officiels algériens à présenter des excuses, omettant les vrais fomenteurs de la crise, les dirigeants égyptiens. Il est clair qu'à présent, qu'au pays des Pharaons, on semble revenir au pragmatisme, quand bien même habillé d'hypocrisie et de cynisme, deux «qualités» propres aux Egyptiens Ces gens-là continuent de faire étalage de nombrilisme et de paternalisme à l'égard de tous ceux qui ne leur ressemblent pas. Nombrilisme maladif Ainsi, s'agissant des investissements égyptiens en Algérie, des journalistes connus affirment que ce sont les Algériens et à leur tête le président Bouteflika en personne qui ont prié les opérateurs égyptiens d'aider l'économie algérienne par des projets économiques. Pour ce personnage, face à cette demande émanant d'un «petit frère en difficulté, le grand frère égyptien n'a pas tourné le dos». On ne peut pas être plus cynique ! Le ci-devant moralisateur n'ignore pas que l'une des entreprises de son pays qui a aujourd'hui pignon sur rue en Algérie, Orascom en l'occurrence, avait débuté ses affaires avec l'argent du peuple algérien pour prospérer et rapatrier des capitaux lourds immérités. Ils sentent, donc, une menace sur leur avenir économique en Algérie, et cette crainte a été réaffirmée sans arguments, il est vrai, par le chef de bureau de l'agence de presse égyptienne à Alger. Pour ce journaliste, la presse privée algérienne mène campagne contre l'Egypte depuis déjà des années et l'épisode du match de football n'était que l'arbre qui cache la forêt ! Ce monsieur affirme que ces journaux algériens sont financés par des capitaux provenant de certains Arabes (sans les nommer) qui voudraient prendre la place des hommes d'affaires égyptiens sur le marché algérien. Cet individu omet de signaler que le marché algérien est encore vierge et pour peu que les investisseurs étrangers issus de n'importe quel pays du monde jouent le jeu, ils y sont les bienvenus. Seul ce journaliste a vu une chasse à l'Egyptien en Algérie, au moment où il reconnaît que ses compatriotes et lui-même sont bien accueillis au pays de Didouche Mourad. Autre preuve de cette gloriole à l'égyptienne, la décision des autorités politiques et sportives de ce pays ingrat de «rompre toutes les relations… sportives avec l'Algérie». Autrement dit, toutes les rencontres sportives à venir qui opposeront les équipes des deux pays seront boycottées par l'Egypte. Et si en janvier prochain, en phase finale de la CAN, l'Algérie (groupe A) tombe sur l'Egypte (groupe C), au second tour des éliminatoires ? Ou encore que va faire l'Egypte, en février prochain, lors du championnat d'Afrique de handball prévu au Caire, sachant que l'Algérie y est qualifiée ? Pourtant, lors du tirage au sort effectué mardi au Caire, l'Algérie était représentée par un représentant de notre ambassade sur place et qui n'a pas été exclu de la cérémonie. En quoi consiste donc cette rupture des relations sportives avec Alger ? Il faut dire que lorsqu'il s'agit d'intérêts, les Egyptiens sont trop près de leurs sous. Kadhafi à la rescousse Autre preuve du désir des dirigeants au Caire de ne pas perdre leurs intérêts en Algérie, le double appel du secrétaire général de la Ligue arabe, l'Egyptien Amr Moussa. Certainement mandaté par le raïs, Moussa a invité d'abord les deux parties au calme et à la retenue, avant de saisir le Guide de la Révolution libyenne, Mouammar Kadhafi, pour intervenir auprès du président Bouteflika et de son homologue égyptien pour tenter de «mettre fin aux tensions». C'est l'agence libyenne de presse qui rapportait l'information, selon laquelle «le Guide de la Révolution, président de l'Union africaine (UA), va travailler pour combler le fossé qui s'est creusé entre l'Egypte et l'Algérie à la suite de la récente rencontre de football entre les sélections des deux pays». Kadhafi a d'abord commencé sa médiation par Le Caire, en appelant au téléphone Moubarak qui lui a, semble-t-il, fait part de son «respect» pour cette «initiative fraternelle». A-t-il ensuite appelé Bouteflika ? Il est clair que la mission du leader libyen ne s'annonce pas sous les meilleurs auspices. En parallèle, Moussa a reçu l'ambassadeur algérien au Caire, qui a assuré que la tension commence à tomber. Cela dit, les Algériens n'ont rien à voir avec cette crise diplomatique fomentée par Le Caire avec des desseins électoralistes internes qui les dépassent. A Alger, la sérénité règne, même si certains de nos compatriotes étudiants restés en Egypte, faute de moyens financiers pour quitter ce pays hostile, vivent dans la peur, cloîtrés chez eux. Ceux parmi ces compatriotes, qui ont réussi à regagner l'Algérie ces derniers jours, ont été maltraités dans les aéroports et dépossédés de leurs biens par des policiers et autres douaniers vindicatifs. D'autres compatriotes qui tiennent des affaires commerciales dans ce pays ont vu leurs commerces boycottés par leur clientèle habituelle, au moment où des commerces d'Egyptiens affichent des pancartes signifiant que les clients algériens ne sont pas les bienvenus. Cette haine morbide va-t-elle s'apaiser dans les jours qui viennent ? Pas si sûr, à moins d'une sortie officielle véritablement apaisante. Or cette éventualité est du domaine de l'impossible, aujourd'hui que les dirigeants égyptiens de tout crin continuent de ruminer leur vengeance contre notre pays.