Le mythe de la fraternité algéro-égyptienne vient de voler en éclats. Il n'en reste que des débris après le match de Khartoum. Nos «frères» égyptiens ont déclenché, depuis le coup de sifflet final de l'arbitre, une campagne médiatique hystérique contre l'Algérie, son peuple, ses institutions, son gouvernement et ses généraux. Tout ce que compte le pays des Pharaons de personnalités politiques, d'artistes, de sportifs et de journalistes éminents, est monté au front pour faire la guerre aux «barbares algériens». Du jamais-vu jusqu'à aujourd'hui dans les annales des relations interarabes. L'Egypte sombre dans le délire collectif au point que l'on se croirait revenu aux jours noirs des débâcles qui ont suivi les guerres de juin 67 et d'octobre 73. Gardez-vous, car cette fois-ci, l'ennemi n'est plus Israël, mais l'Algérie. Ainsi, depuis vingt-quatre heures, nous sommes devenus l'ennemi à abattre pour les sbires du clan Moubarak, qui ont mobilisé tous les médias officiels et leurs ministres pour «défoncer» l'Algérie. Sur les rives du Nil, on a dépassé les limites de l'entendement pour basculer carrément dans la provocation, l'invective, la haine et la bassesse que la «noukhba» égyptienne a adoptées comme armes stratégiques de combat. L'Egypte mégalo, l'Egypte parano ne renonce décidément pas à ses vieux rêves éculés de grandeur, de «coeur battant» du monde arabe, comme au bon vieux temps de Nasser et de sa radio Sawt El Arab. Elle croit faire dans la dentelle médiatique de ses plateaux télé pour fourvoyer, à défaut de convaincre, un peuple égyptien de plus en plus désabusé par les promesses sans lendemain du clan Moubarak, qui continue à gérer tout le pays comme une propriété familiale. L'Egypte de la Honte commence à la descente de l'avion à l'aéroport du Caire. C'est tout un Etat de «chahatine» qui tend la main à l'assistance alimentaire des pays occidentaux, au détriment de la défense des valeurs et de la gloire à jamais perdues. Mais si dans toute l'Histoire de l'Egypte, ancienne et contemporaine, il n'y eut point de gloire, n'est-ce pas tout simplement parce que ce peuple n'a jamais eu le sens du sacrifice? C'est génétique chez les descendants des Pharaons. Lorsque l'Egypte fut occupée par les Anglais, ce fut sans coup férir. Il n'a suffi que d'une canonnière avec à bord 80 hommes pour s'emparer, au bout de quatre heures de combat velléitaire, de toute la ville d'Alexandrie. L'invasion britannique fut d'une facilité aussi rapide et déconcertante qu'un poignard de boucher dans une motte de beurre. Comment expliquer cette campagne haineuse? Pour affronter l'Algérie, les Egyptiens se sont préparés, depuis plusieurs mois, en mobilisant des équipes de communicants, d'experts dans la gestion des supporters et de l'opinion publique, des psychologues et des proches collaborateurs de Jamel Moubarak, le prétendant au trône de l'Egypte pour l'élection présidentielle de septembre 2011. Baliser la voie à l'Egypte pour le Mondial 2010, c'est baliser la voie à la présidence de la République, un an plus tard, au rejeton Jamel qui s'est déjà emparé, en plaçant ses hommes dans des postes stratégiques, des rênes de la République. Voilà pour le plan A. En jouant son va-tout contre l'équipe algérienne au Caire, l'Egypte, «sûre d'elle et dominatrice», n'avait pas de solution de rechange. Dans ses tablettes, le coach avait mis une croix sur le plan B. C'est dire que l'Egypte d'aujourd'hui a perdu toute sa tête. Le discours tant seriné depuis des lustres au peuple égyptien, qu'il est invulnérable et qu'il ne lui restait qu'un pas à faire pour être sacré par les dieux de l'Olympe, a fini par éclater comme un ballon de baudruche. Le destin a toujours été un redoutable metteur en scène. Et c'est finalement son scénario, à lui seul, qui vient ébranler aujourd'hui tout cet Empire des puissants aux pieds d'argile. L'Egypte de Moubarak est en plein effondrement. Les attaques des télés égyptiennes et leur virulence contre l'Algérie démontrent toute l'ampleur du désastre que le Caire vient de subir. On s'est joué du peuple. Et aujourd'hui, on a peur de sa colère. Le peuple égyptien ressemble, depuis deux jours, à une grenade dégoupillée. Prête à exploser. Pour apaiser cette tension, n'y a-t-il pas mieux qu'un cirque médiatique avec des stars qui se passent le relais, chaque demi-heure, sur les plateaux des chaînes de télévision pour chasser les djinns malfaisants? Pour les psy et les gourous, ça a un nom: l'exorcisme. Il y a à peine un mois, la diplomatie égyptienne essuyait déjà les plâtres avec l'échec de la candidature de Farouk Hosni à l'Unesco. Pour l'équipe de Hosni Moubarak, cela revenait à toucher le fond de l'abîme. Au même moment, la rue grondait au Caire. L'opposition hausse le ton. Les Frères musulmans, les nasséristes, les démocrates sont unis pour dénoncer l'atteinte à la Constitution et les manoeuvres du pouvoir visant à assurer l'élection de Jamel Moubarak en 2011. Toute cette ébullition sème l'effroi et annonce des jours sombres pour le Maître du Caire. A Alger, c'est avec le sourire et beaucoup de philosophie que nous suivons toute cette agitation d'un music-hall égyptien, en attendant que l'on nous agrémente de l'entrée en piste de la danse du ventre.