Il y a 20 ans exactement, le 1er décembre 1989, que le grand maître de la zorna Boualem Titiche est parti dans l'au-delà. Le zornadji d'Alger a laissé des élèves directs ou indirects tels que Betetté, mais il reste à ce jour inégalable. Chaque fois qu'on voit de jeunes artistes portant, comme le veut la tradition, une chéchia stamboul, la joie nous inonde, et on revoit l'image de Boualem Titiche soufflant fort sur le bec de cette ghaïta héritée de son père Hadj Ahmed (1867-l932) qui l'a lui-même initié à cette musique. Il est rappeler que Hadj Ahmed était déjà classé parmi les meilleurs zornadjia aux côtés de El Hadj Ouali, Bouchakchak et Saâdani qui est mort à Chicago en 1933. Dès l'âge de 13 ans, le petit Boualem avait réussi à trouver une place dans l'orchestre de son père en tant que joueur de tbiblette (tambourins). Après avoir acquis une bonne maîtrise de tous les instruments à percussion, il apprendra à jouer à la ghaïta en rêvant de devenir chef d'orchestre, c'est-à-dire un vrai zornadji comme son père. Au début des années 1930, il fréquentera l'association El Mossilia que dirigeaient les frères Fekhardji Mohamed et Abderrezak. Cela lui permettra de parfaire ses connaissances en musique andalouse, ce qui le distinguera de tous les orchestres. Il faut rappeler que la zorna est l'instrument à vent joué par le chef d'orchestre. Cette musique introduite en Algérie par les Turcs était jouée par les militaires lors des défilés (fanfare). D'origine persane, cet instrument et ce genre de musique, qui diffère un peu d'un pays à l'autre, se retrouvent dans plusieurs régions d'Europe de l'Est telles que l'Azerbaïdjan, la Turquie et l'Iran et dans certains pays tels que la Syrie. On retrouve aussi cette musique chez les tsiganes de Roumanie et de Hongrie mais aussi en Grèce, en Chine et en Inde. On devrait l'honorer Aujourd'hui, comme autrefois, la tradition continue, et on retrouve des zornadjia à Alger, Blida, Koléa, Médéa et Béjaïa. Dans cette dernière ville, l'orchestre le plus connu est celui de Seddouk. Durant toute sa longue carrière artistique, Boualem Titiche, de son vrai nom Boualem Mansouri, né le 27 avril 1908 à El Biar, a pu introduire des nouveautés au niveau des rythmes et des mélodies. Le maître avait réussi à populariser cette musique (toujours sans paroles) en introduisant les plus beaux morceaux d'andalou et de chaâbi. Aujourd'hui, les familles d'Alger, Blida, Miliana et de toute la Mitidja qui tiennent à la tradition exigent encore, lors des fêtes, que le cortège de la mariée soit accompagné de zornadjia. Enfin, Boualem Titiche qui a, pendant 70 ans, gardé et mis en valeur ce genre de musique mérite bien qu'on lui rende hommage pour que son nom ne soit pas oublié. Il mérite bien qu'une salle de spectacles porte son nom.