A mille lieues d'Istanbul, la Zorna continue de régner sur un monde féérique, gagné par la nostalgie des grands jours. Bien incrusté dans les mœurs et coutumes de la culture algérienne, cette musique tant chérie des Deys, n'a toujours pas dit son dernier mot. Depuis son intrusion en fanfare dans les parades militaires, elle s'est imposée dans les cours de maisons, avec référence pour des célébrations nuptiales ou circoncisions. Le tempo qu'elle entonne au son des tambourins et de la fameuse flûte turque, est devenu par définition, un hymne de joie, ou encore, un prélude aux cérémonies tant religieuses que récréatives. L'indiscutable héritier de cette fameuse Zorna reste indiscutablement Boualem Titiche, à qui l'histoire reconnaît la lignée lyrique des derwichs tourneurs. C'était le dernier des bachzornadji, lui et sa troupe reconstituée sur les cendres de l'homme malade, il incarna le sauvetage d'un patrimoine commun entre Alger et Istanbul. L'avènement de Mustapha Kemal et la destitution des derniers des ottomans se sont triomphalement reconnus dans cette musique de fanfare qui fait toujours la fierté des deux peuples. Le caractère identitaire de cette musique fait désormais partie de notre héritage. Il ne se passe pas de fêtes ou cérémonies sans Zorna, l'apprentissage de cette musique au sein de la troupe de Titiche relève d'un passage de legs, entre anciens et nouveaux. Dans sa très forte composition mystique, la Zorna ne reconnaît que les siens, au travers d'un cursus sélectif. Costumes et harnachements de circonstance dans le plus strict style Corsaire Turc, nous font revivre l'épopée des « Korsan », maîtres de la Méditerranée. C'est à cette symbolique que se reconnaissent les maîtres zornadjis. Le dernier des deys d'Alger Hussein se faisait accompagner d'une troupe de Zorna tous les vendredi après la prière. Arpentant la grande artère sur la haute Casbah pour rejoindre Ketchoaua, la fanfare se devait d'être le fleuron du sacre de la porte Sublime. Aujourd'hui, là encore sur les lieux d'un passé lointain, on continue à conserver jalousement les instruments musicaux d'une Zorna qui s'accroche à l'histoire de l'Algérie. A chaque départ en haute mer, les corvettes prennent le soin d'observer la trans-music des corsaires. Le tambourin de bord est le premier officier pour annoncer que la Zorna est signe de gloire.