La toute nouvelle publication de Mohamed Bourahla au nom pompeux Le laurier rose fait pénétrer le lecteur dans un monde de prime abord kafkaïen, mais qui, en fait, retranscrit la réalité. Une réalité hideuse et lourde, difficile à porter et à assumer tant la morosité empreint cet environnement sociétal délétère où évoluent au gré des événements les personnages de Mohamed Bourahla. De ces dix nouvelles dont Le cadre dirigeant, Les criquets, La visite au parent, Le voyage, l'auteur entreprend tel un portraitiste de dessiner les contours de la personnalité de chacun de ses héros. Avec minutie et fidélité, il signe une véritable fresque humaine où les protagonistes sont en prise entre les tenailles du destin. Narrateur hors pair, il relate avec truculence les vies étriquées de ces petites gens qui se débattent contre le sort qui s'est acharné contre eux. La société est perçue sans prisme déformant, par l'œil aguerri de l'écrivain qui, sans complaisance ni animosité, axe à montrer cette laideur insidieusement envahissante. C'est un récit original où la description sagace qui relève de la haute voltige est tout en retenue et en élégance. De ces personnages, émane cette grâce désespérée dans la schizophrénie des personnages multiples, simples pions sur l'échiquier social. Dans ces histoires diverses, l'on peut débusquer entre les lignes quelques vérités cachées et de salvateurs enseignements.
Les leçons de l'auteur L'auteur semble nous faire un pied de nez pour nous montrer nos dépassements et dérives. Il fait sienne cette citation de Plutarque «n'imputons point à autrui des travers dont nous sommes atteints». Comme si l'auteur, se réveillant d'un horrible cauchemar, interpelle tout un chacun sur ce désastre. Une société en mutation en perte de repères et de valeurs, des jeunes sans rêves et des adultes en proie au désespoir. Il apostrophe chacun sur notre société particulièrement aux grands muets de l'histoire comme il le rappelle dans son exergue «à tous les humbles, les anonymes, ceux du mauvais côté, qui dans la misère, pour, qu'ici bas, le rêve soit permis, le sourire retrouvé, le pain n'ait plus le goût du sang et les hommes luttent, souffrent et meurent debout». Cette satire sociale aussi cruelle que désopilante témoigne du désenchantement de l'auteur. Avec des mots du cœur, qui sonnent juste, Mohamed Bourahla évoque les tourments d'une société et la cruauté de l'histoire.Il y a dans les livres de Bourahla une tranquillité désespérante et le poids d'une fatalité. Son écriture fluide et colorée rend palpable et allège à la fois le récit.