«Des milliers d'Algériens sont séropositifs sans le savoir», déclarait dans notre édition d'hier le docteur Soufi, président de l'association de lutte contre les infections sexuellement transmissibles «Aniss». Ce médecin, qui doit quand même savoir de quoi il parle, puisqu'en plus de ses compétences scientifiques, il semble impliqué de manière déterminée et enthousiaste dans la lutte contre la maladie, explique le fait par «l'absence de campagnes de sensibilisation» et par «le manque d'informations». Dans l'absolu, il ne croit pas si bien dire. Dans un pays où plus de 60% des étudiantes interrogées en résidence universitaire dans le cadre d'une enquête scientifique pensaient se prémunir contre le sida par l'absorption de la… pilule contraceptive, il y a de quoi s'inquiéter sur le niveau d'information du citoyen sur la maladie et sur l'efficacité des «campagnes de sensibilisation», cycliquement brandies comme un panacée face un mal dont on sait qu'il nécessite beaucoup plus que ça pour être jugulé. Il suffit de guetter discrètement dans une pharmacie pour se rendre compte à quel point la guerre censée être faite au sida est une vue de l'esprit, tellement la précaution la plus élémentaire pour se prémunir de la maladie est problématique. D'abord, les acheteurs de préservatifs, il n'y en a pas des masses. Et quand il y en a un, il faut voir avec quel zèle dans la discrétion, avec quel «honte», il passe sa commande à l'oreille d'un vendeur appelé à un aparté pathétique, et avec quelles précautions on va le lui dénicher dans un coin avant de l'emballer sous le présentoir comme s'il s'agissait d'une arme atomique à manipuler avec le plus grand soin. Voilà pour l'information et la sensibilisation. Dans tout ce qui a été, bon an mal an, entrepris jusque-là contre la maladie dans notre pays, on a oublié une donne de départ : on ne combat pas une maladie d'une telle ampleur et d'un tel péril en traînant des boulets qui ralentissent considérablement quand ils ne freinent pas l'action salutaire, qu'ils soient moralisants ou religieux. Quand on cache les vrais chiffres, quand on prend la précaution de préciser qu'un tel, mort du sida, a contracté la maladie en Europe, quand on veut convaincre que le virus nous vient toujours du Mali ou du Niger, quand on préconise l'abstinence sexuelle comme moyen sûr de s'en prémunir, on comprend parfaitement que des milliers de séropositifs ne le sachent pas. Lutter contre une maladie aussi dangereuse, c'est d'abord pour rester dans le lieu commun, «mettre tous les atouts de son côté». Quand on renonce aux plus simples, il y a vraiment problème. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir