Philippe Séguin, l'ancien président de la Cour des comptes français, vient de décéder d'une crise cardiaque à l'âge de 66 ans. En France comme ailleurs, le monde politique fournit encore, de temps à autre, des hommes dont la vie, et la mort un peu plus, sont capables d'émouvoir au-delà de leurs «familles politiques» , un peu pour battre en brèche la sentence des «tous pourris» et surtout pour rappeler qu'il y a des valeurs qui n'appartiennent à aucune caste, même si les anachronismes d'états-majors croient en faire d'éternelles chasses gardées. Héritier apaisé du gaullisme social, il a souvent dépassé les contingences de l'appartenance figée quand ses convictions profondes le lui exigeaient. Ce n'est pas tous les jours qu'un homme de gauche se rappelle, dans la foulée d'un hommage ému, une embrassade historique avec un homme de droite. Robert Badinter, le père moral de l'abolition de la peine de mort, l'a fait. Ce n'est pas tous les jours que le premier responsable du parti socialiste verse une larme à la disparition d'un homme «de droite», Martine Aubry l'a fait aussi, en ayant sûrement en mémoire un Philippe Séguin allant vaillamment à la rencontre de travailleurs en détresse face à la perspective de fermeture de leur usine. Mais cet homme n'est peut-être ni de gauche ni de droite. Et c'est un cinéaste engagé qui le dit. Yves Boisset, qui a fait Dupont la joie, Le juge Fayard, dit le shérif, L'affaire Dreyfus ou encore L'attentat. Mais Philippe Séguin a aussi forcé le respect au sein de son parti y compris en dérangeant quelques trajectoires. En s'opposant au traité de Maastricht, en quittant la présidence du RPR ou en ironisant sur la création de l'UMP. C'est sans doute pour «tout ça» que Philippe Séguin ne s'est pas souvent fait entendre par les siens et qu'il n'a pas eu le «destin national» dont il avait pourtant largement la carrure. Il respectait Chirac, mais ce dernier ne le comprenait pas, il admirait le volontarisme de Sarkozy mais il était trop libéral à son goût, alors il a accepté une dernière responsabilité pour le baroud d'honneur : pour réformer profondément la Cour des comptes dans le sens de son indépendance. Tout est peut-être dit dans l'hommage de l'un de ses amis les plus proches : «Philippe Séguin n'a jamais été un homme casting». Et pour preuve, il avait une folle passion pour le foot et adorait le bœuf aux pois chiches. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir