Le 7 janvier, dans la déclaration finale de la IVe réunion de haut niveau hispano-algérienne, le gouvernement socialiste espagnol s'est prononcé pour «le droit à l'autodétermination du peuple sahraoui», comme il ne l'a jamais fait aussi clairement depuis qu'il est au pouvoir, c'est-à-dire en avril 2004. C'est une première dans le langage diplomatique du gouvernement Zapatero. De quoi dérouter les médias. Un mois auparavant, il avait, en effet, développé une position exactement contraire. Dans son communiqué, publié à la suite du retour de Aminatou Haider à Al Ayoune, le gouvernement Zapatero avait constaté que la loi marocaine s'appliquait au Sahara Occidental. Depuis jeudi dernier, commentateurs de presse et membres de la classe politique espagnole s'interrogent et ne comprennent pas. Les voies du Seigneur sont impénétrables. Le principe et son contraire
Tout le monde savait la position des socialistes espagnols «ambiguë». Parfois faussement neutre mais au fond inclinée dans le sens des thèses marocaines. Certains ont vu dans l'affirmation claire du droit à l'autodétermination que Madrid ne prononçait que du bout des lèvres un retour du Parti socialiste à la position traditonnelle de l'Espagne sur son ancienne colonie. L'écho du combat mené par Mme Haider serait pour beaucoup dans ce changement. D'autres estiment que la diplomatie algérienne n'est pas dupe au point de se faire piéger par le balancement de la position espagnole entre le flou sur les principes et l'inclinaison vers Rabat. Les deux hypothèses sont vraies. Dans tous les cas, le ministre des Affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos, n'avait semblé nullement embarrassé de soutenir publiquement devant les journalistes en janvier un principe, et en décembre son contraire. En fait, c'est là que réside tout le mystère de cette déroutante approche diplomatique du problème du Sahara Occidental par le Parti socialiste au pouvoir, déjà fortement divisé entre partisans de la cause du Front Polisario et les membres du lobby pro-marocain. Les hésitations du gouvernement Zapatero à honorer la responsabilité historique de l'Espagne envers le peuple sahraoui qui se réflètent clairement dans la série de positions des socialiste sur le Sahara Occidental sont souvent l'objet de dérision au Congrés des députés. Les quatre positions des socialsites sur le Sahara
Le Parti Populaire, la principale force d'opposition, a fait observer au Parlement que les socialistes développent quatre positions : une position à Rabat, une à Alger, une troisième à Tindouf et une quatriième à Madrid. Toutes peuvent plus ou moins intégrer le droit à l'autodétermination mais tout dépend du sens donné à ce principe et en face de qui il est affirmé. Parler d'autodétermination ne semble plus, en fait, gêner le gouvernement socialiste espagnol et pas davantage les autorités marocaines qui ont intégré, eux aussi depuis deux ans, ce vocabulaire dans leur discours officiel. Depuis la sortie royale du «Plan d'autonomie» pour le Sahara qui a pris la forme de «la régionalisation avancée» de Mohamed VI. Donc, pour ne pas s'inscrire en faux par rapport aux principes du droit et ne pas s'écarter trop loin de la légalité intrnationale, Madrid comme Rabat font en réalité une autre lecture du principe de l'autodétermination. Loin, bien loin du sens original qu'il suggère : «Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes». Il convient de rappeler que ce principe a connu sa consécration en pleine guerre de libération nationale de l'Algérie avec l'adoption de l'historique Résolution (1514) de l'Assemblée générale des Nations unies en décembre 1960 sur «l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux». Cette Résolution, un dépassement concret de la Charte de San Francisco (des Nations unies) de 1945, est venue consacrer ce principe majeur du droit international, reconnaissant le droit des peuples à choisir librement leur destin dans une époque marquée par le début du déclin des empires coloniaux. Le double complot espagnol contre les Sahraouis
C'est sur cette base juridique, après un long combat libérateur, que l'Algérie a accédé à son indépendance et après elle l'ensemble des autres pays colonisés, en Afrique et dans le Tiers-Monde. Pas toutefois tous les territoires colonisés ou occupés militairement par des puissances étrangères. C'est le cas du Sahara Occidental dont le processus de décolonisation n'a pas été conduit à son terme par la puissance espagnole qui l'administrait au nom des Nations unies à travers un mandat «confié» sans droit de disposition de la souveraineté du territoire non autonome. A la différence des autres peuples africains colonisés, le territoire sahraoui sera partagé entre le Maroc et la Mauritanie (la Mauritanie s'est retirrée en 1978 et le Maroc a depuis tout annexé sur la base de l'accord secret de Madrid de 1975. Le gouvernement de transition, en Espagne, au moment de l'agonie du général Franco, commentait une grave erreur qui va donner mauvaise conscience à l'Espagne. C'est le premier complot espagnol. La conscience tranquille, le gouvernement socialiste espagnol va commettre un second complot. Le ministre des Affaires étrangères Moratinos développera une vision réductrice du droit à l'autodétermination. Il jouera sur la mise en œuvre de ce principe qu'il sépare de sa technique la plus privilégiée : le référendum. Autrement dit, l'acte concret par lequel le peuple sahraoui choisira de disposer de lui-même, de pouvoir choisir entre l'indépendance, l'autonomie ou l'intégration au Maroc. Moratinos tentera de banaliser le référedum, le présentant comme une technique parmi d'autres de l'exercice du droit à l'autodétermination qui a montré ses limites dans le cas du Sahara Occidental. Il entérine ainsi les arguments marocains selon lesquelles un rencensement fiable des électeurs sahraouis sur la base des Accords de Houston signés par feu le roi Hassan, est impossible. Indépendance, autonomie ou annexion ?
L'Espagne écarte donc le recours au reférendum sur l'indépendance lorsqu'elle évoque son soutien au droit du peuple sahraoui à l'autodétermination. Par autodétermination, le gouvernement socialiste entend le droit pour le peuple sahraoui de se prononcer sur le Plan d'autonomie marocain pour le Sahara Occidental. Non par une réponse à la triple question sur l'indépendance, l'autonomie ou l'annexxion. C'est à ce niveau que réside la marge de manœuvre diplomatique du gouvernement socialiste sur le Sahara Occidental. Un mystère quand même mériterait d'être dévoilé : que se passerait-il en cas de «non» au Plan d'autonomie marocain ?