Avec un score de 5,5% des suffrages au premier tour de l'élection présidentielle en Ukraine, Viktor Ioutchenko a été laminé, tout simplement humilié. Les promesses nées de la formidable révolution orange n'ont visiblement pas résisté à l'épreuve du terrain et la désillusion n'a pas tardé à gagner les Ukrainiens qui ont découvert à leur corps défendant qu'en politique comme dans la vie, les plus beaux rêves ne suffisent pas toujours à construire un pays. Cette fois donc, le désenchantement a succédé à la douce euphorie romantique et s'est exprimé dans les urnes par une cuisante défaite de celui qui a incarné et porté l'espoir. Et le désenchantement porte un nom composé : en 2009, la monnaie locale a perdu 50% de sa valeur, le PIB a chuté de 15% et le chômage touche aujourd'hui 20% de la population. Pourtant autant, ce ne sont pas les ukrainiens qui semblent tourner le dos à la révolution orange, son projet, sa philosophie et l'esprit qui l'ont portée étant trop profonds pour être balayés d'un revers de main dans un laps de temps aussi court. Aujourd'hui, le pluralisme, la liberté d'expression et d'organisation ainsi que l'émancipation de la tutelle russe sont une réalité que personne ne peut nier et les ukrainiens ne sont pas prêts à y renoncer. L'Ukraine a pour ainsi dire atteint le point de non-retour démocratique, chose pas du tout évidente pour les autres Etats issus de l'empire soviétique. Et il n'y a pas meilleure illustration de cet ancrage qu'une authentique épreuve d'alternance au pouvoir. L'Ukraine vient de la subir avec succès et l'Organisation pour la coopération et la sécurité en Europe (OSCE) qui y avait dépêché sur place 600 observateurs en parle comme un exemple de réussite. Selon la déclaration de l'Organisation, le vote «a démontré le respect des droits civiques et politiques, offrant aux électeurs un véritable choix entre les candidats». Sans doute parce qu'ils avaient trop attendu des réformateurs qu'ils ont portés au pouvoir avec enthousiasme, les Ukrainiens sont aujourd'hui extrêmement critiques à leur égard, mais l'esprit qui avait guidé leur révolte est toujours là. Si le conservateur pro-russe Ianoukovitch dispose d'une certaine avance sur sa rivale réformatrice Ioulia Timochenko, surnommée «la tigresse», la possibilité d'une union sacrée contre «l'homme de Moscou» est plus que vraisemblable. La «tigresse», qui a déjà gagné une bataille psychologique en obligeant son rival, piètre orateur et sans charisme, à refuser un face à face télévisé. En plus, Timochenko a plus de chances de rassembler les voix des petits candidats contrairement à Ianoukovitch, dont l'électorat est saturé, selon les analystes. Les rouages de l'orange mécanique fonctionnent toujours. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir