Instauré en Algérie depuis 18 ans (9 février 1992), l'état d'urgence n'a plus aucune raison d'être, selon la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme (LADDH) qui lance un appel à toutes les forces de la société civile (syndicats, partis politique, ONG…) pour la constitution d'une alliance pour sa levée. S'exprimant hier lors d'une conférence de presse à l'occasion du 18e anniversaire de l'instauration de l'état d'urgence, le président de la Ligue, maître Mustapha Bouchachi, a estimé que l'argument sécuritaire avancé pour le maintien de l'état d'urgence ne tient pas la route d'autant plus que, de l'aveu même des autorités du pays, le terrorisme est résiduel. «Avons-nous réellement besoin de l'état d'urgence alors que toutes les autorités ont déclaré la défaite du terrorisme ?», s'interrogera-t-il, rappelant dans ce sillage la tenue depuis 1992 de quatre élections présidentielles, d'élections législatives et locales qui ont nécessité le déplacement des candidats sur tout le territoire national. «Preuve qu'on est en situation normale», a-t-il argué, tout en insistant sur les deux scrutins relatifs au volet sécuritaire, à savoir la concorde civile et la réconciliation nationale. «C'est de notre droit et celui du peuple algérien de se demander si le maintien de l'état d'urgence est destiné à combattre le terrorisme ou bien le peuple et toute velléité de protestation en confisquant toute forme de liberté.» Le maintien de l'état d'urgence est illégal selon M. Bouchachi qui rappelle l'article 91 de la Constitution qui définit la durée de l'état d'urgence et toutes les formes de violation de la loi. «L'état d'urgence vise à protéger le régime, pas la République. Il vise aussi à freiner le processus démocratique», a encore soutenu le conférencier, ajoutant que le régime a des intérêts dans la poursuite de cet état de fait qui favorise aussi toute forme de corruption, d'où, selon lui, la nécessité d'un combat réel et quotidien. «L'appel est destiné d'abord au peuple algérien et aussi à l'opinion internationale», a expliqué Bouchachi en réponse à une question sur la dimension de l'alliance. Le président d'honneur de la LADDH, Ali Yahia Abdennour, a noté de son côté qu'il est injustifié de maintenir l'état d'urgence sous prétexte sécuritaire alors que les chiffres officiels évoquent l'existence de 240 000 policiers, 180 000 gendarmes et 360 000 militaires contre seulement 400 à 600 terroristes. «Avec l'état d'urgence rien ne peut fonctionner», estimera-t-il tout en lançant cette sentence de Victor Hugo : «Libérez la liberté et la liberté fera le reste.» Maître Ali Yahia, qui affirme qu'en levant l'état d'urgence on permettra la libération politique, économique et sociale du pays, estimera que l'Algérie doit aussi respecter les conventions internationales qu'elle a ratifiées. S'agissant de l'inscription de l'Algérie sur la «black list» américaine et française, les conférenciers estiment que c'est une violation des lois internationales et des droits de l'homme. «Nous espérons que la société civile adhère à l'idée», conclura maître Ali Yahia.