« L'état d'urgence est en contradiction avec les lois du pays, en particulier, la Constitution qui précise clairement que sa reconduction devrait être faite à travers une loi votée par les deux chambres du Parlement réunies », a souligné Me Bouchachi. La Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (LADDH) tente de sensibiliser la société civile et les partis politiques pour exiger la levée de l'état d'urgence. L'organisation appelle à la mise en place d'une coalition nationale pour mener la lutte à cet effet. « Cette coalition aura pour mission de lutter quotidiennement pour la levée de l'état d'urgence et la récupération des droits civils et politiques des Algériens », déclare le président de la LADDH, Mustapha Bouchachi. Intervenant lors d'une conférence de presse animée hier à Alger, l'orateur affirme que seule la lutte permanente pourrait obliger le pouvoir à mettre un terme à cette situation qui dure depuis 18 ans. Selon lui, l'appel s'adresse à tous les militants des droits de l'homme, aux partis, syndicats, intellectuels et journalistes. La LADDH, pour sa part, s'engage, explique-t-il, à nouer des contacts avec les représentants de la société civile afin d'adhérer à cette initiative « salutaire pour le pays ». « Seule la levée de l'état d'urgence peut permettre de relancer le processus démocratique, stoppé depuis l'arrêt du processus électoral en janvier 1992 », soutient-il. L'état d'urgence décrété le 9 février 1992 est, insiste-t-il, illégal dans la forme et dans le fond. « Il est illégitime dans la forme, car il a été instauré par des autorités militaires. Dans ce genre de situation, l'état d'urgence devrait être décidé par l'Assemblée populaire nationale. Or, à cette époque, l'APN était dissoute. Dans le fond, le maintien de l'état d'urgence n'a jamais fait objet de débat au Parlement. Il est donc en contradiction avec les lois du pays, en particulier la Constitution qui précise clairement que la reconduction de l'état d'urgence devrait être faite à travers une loi votée par les deux chambres du Parlement réunies », souligne-t-il. En plus des lois nationales, M. Bouchachi rappelle également que la convention internationale de 1966, ratifiée par l'Algérie, codifie l'instauration de l'état d'urgence dans un Etat qui en fait partie. « Cette convention permet, certes, aux pays de suspendre son application pour une période limitée dans le temps. Mais l'Etat en question doit justifier cela et définir à l'avance cette période », précise-t-il. « L'état d'urgence est maintenu pour sauver le régime » Rappelant les déclarations d'officiels algériens affirmant que le pays a vaincu le terrorisme, l'orateur s'interroge sur la finalité du maintien de l'état d'urgence. « Pourquoi maintient-on l'état d'urgence. Est-ce pour combattre le terrorisme ? Je ne pense pas, parce qu'on nous a dit à plusieurs reprises que le terrorisme est vaincu. L'Algérie a également organisé quatre élections présidentielles, trois législatives et trois élections locales. Cela en plus de deux référendums sur la concorde civile puis la réconciliation nationale. On n'a enregistré aucun incident terroriste », enchaîne-t-il. M. Bouchachi conclut que le maintien de l'état d'urgence « s'est fait non pas pour la protection des Algériens, mais pour sauver le régime ». Cette situation, soutient-il, arrange ce dernier qui « n'aime pas la transparence ». « La généralisation de la corruption et les détournements des deniers publics en sont les preuves supplémentaires de sa nature », ajoute-t-il. S'exprimant par la même occasion, le président d'honneur de la Ligue, Ali Yahia Abdennour, estime que le maintien de l'état d'urgence n'a qu'un seul objectif : « Celui de réprimer les libertés et d'entraver l'exercice politique dans le pays. » « Avec l'état d'urgence rien ne peut fonctionner normalement », lance-t-il. Pour sa part, Nouredine Benyessad, vice-président de la LADDH, relève la politique de deux poids et deux mesures appliquées par la communauté internationale. « En Afghanistan, l'instauration d'un état d'urgence a suscité une levée des boucliers. Alors qu'en Algérie, en Egypte et en Syrie, l'état d'urgence dure depuis des années et aucun pays n'a osé les dénoncer », dit-il.