C'est un sujet brûlant d'actualité qui défraie encore la chronique que le réalisateur Merzak Allouache a évoqué en présentant en avant-première le film Harragas en soirée ce jeudi au cinéma Sierra Maestra, récemment rénové. Avant la projection du film, Mokhtar Bourouina, le président de l'APC de Sidi M'hamed qui vient de rénover la salle Sierra Maestra, a exhorté «ces rendez-vous culturels pour les cinéphiles qui devraient s'étoffer tout en axant sur la réhabilitation des cinémas L'Ouarsenis et Rouiched (ex-le Musset) pour la promotion de la culture». Pour sa part, M. Zertal de Cirta, le distributeur, a présenté la kyrielle d'acteurs, tous des jeunes issus de l'institut de Bordj El Kiffan et dont bon nombre du théâtre de Mostaganem, ville qui a une tradition du quatrième art amateur. Dans son allocution, Merzak Allouache a souligné «l'importance de faire des films pour des publics divers et non pour leur présentation seulement dans des festivals». Harragas est un film violent et poignant à la fois qui témoigne du désarroi et du désespoir des jeunes d'aujourd'hui. C'est l'histoire de jeunes d'un quartier populeux et populaire de Mostaganem dont le rêve est de partir, quitter ce pays. Suite au suicide de leur ami Omar, deux amis, Nasser et Imène, la petite amie et sœur du défunt, s'embarquent dans une barque équipée d'un moteur et d'un GPS en compagnie de 7 autres compagnons d'infortune venus d'horizons divers. Durant cette traversée, des ennuis techniques et surtout des désaccords surviennent. Après des frayeurs, des moments d'accablements et de déceptions mêlés d'espoir, leur arrivée en Espagne incertaine est réelle, mais les trois amis sont attrapés par la police espagnole, menottés et expulsés manu militari dans leur pays.
L'exil et ses dangers Un récit dramatique qui met en exergue la condition des jeunes désargentés, frustrés et sans perspective d'avenir. Le cinéaste nous met en présence de personnages terriblement humains sortis de la comédie humaine avec leurs espérances, leurs rêves et leurs désillusions. Ces jeunes sont remarquables de vérité. Allouache nous livre une jolie métaphore de l'exil avec ses dangers, ses luttes, ses fureurs de vivre et de mourir. C'est une histoire forte à rebondissements qui a bien restitué le malheur de ces Harragas. Le dialogue se décline dans le poids de mots justes et sensibles pour vivre cette bouleversante aventure de Harragas. Dur et douloureux, ce film est illuminé par la prestation de ces jeunes comédiens admirablement bien campés par Lamia Boussekine (Imène), Seddik Benyagoub et Nabil Hasli ainsi que les grosses pointures, comme Ahmed Benaïssa et Okacha Touita. Réellement touchant, ce film est servi par une interprétation sans faute. Un charisme exceptionnel. Sans surdose de désespoir, c'est une tristesse et une colère sourde qui s'insinuent dans ce tableau échevelé et sombre. Cette aventure d'une cavalcade sans répit la nuit en pleine mer rappelle la détresse, l'infortune et la fatalité de ces jeunes. Dans ce long métrage se profile un SOS pour la sauvegarde de cette jeunesse désespérée. Il bouscule les conventions pour dénoncer ce phénomène social qui a pris de l'ampleur ces dernières années. Un nombre impressionnant de près de 4000 disparus et 13 800 morts en mer, souligne le réalisateur. Allouache nous a donné une magnifique fresque d'actualité «so Algerian». Il est à noter que l'avant-première du film Harragas passera le 24 février à Paris. Ce film s'inscrit dans la veine des autres longs métrages de Merzak Allouache qui ont eu un franc succès, comme Omar Gatlatou, Les aventures d'un héros, ou Bab El Oued City ou Chouchou. Harragas a obtenu le prix spécial du jury au festival de Dubai et le palmier d'or et prix de la meilleure bande originale au festival de Valence.