Ahmed Ouyahia a trouvé le mot juste, vendredi, au cours de sa conférence de presse, pour dire ce que tout le monde sait, ici, en France et ailleurs, du leader du Front national, de son présent et de son passé. Un criminel et rien de plus qui puise farouchement et désespérément ses arguments de campagne (d'Algérie) dans son sinistre passé colonial aux côtés du général Aussaresses, dans le massacre à grande échelle des Algériens, dans l'islamophobie, dans la haine des beurs et du «drapeau fellaga», son affiche de campagne pour les régionales de demain. A près de 80 ans, il a gardé la rancune intacte du lieutenant para qui n'a pas digéré la défaite du système colonial dans lequel a été moulée sa carrière politique. A la tête d'un parti néo-nazi «anti tout» ce qui n'est pas la France où, paradoxalement, ce zèle nationaliste lui permet de totaliser au mieux 2% dans les sondages, et lui-même rongé par un cancer de la prostate qui n'a pas été utile pour lui rappeler au moins l'âge de la retraite, il garde aussi intacte sa farouche ambition de déloger un jour Nicolas Sarkozy. Ou, si à Dieu ne plaise, y installer sa fille Marine qui vote comme papa depuis l'âge de 18 ans, ou encore si pour le malheur de cette blonde de race aryenne le sort politique lui devenait contraire, comme à son père, la petite-fille Le Pen est là. Blonde elle aussi et raciste dès son jeune âge : comme pépé, elle hait les Arabes, les Noirs, les juifs, l'islam, les minarets, et comme pépé elle aime la France qui gagne… même avec Zidane et la main de Thierry Henri. Des cours particuliers sur l'art du racisme dispensés dès le berceau au sein de cette dynastie républicaine qui aspire à gouverner en France. Le Pen a été débouté, vendredi soir, par un juge de Marseille qui a ordonné au Front National de retirer son affiche électorale représentant l'Hexagone sur fond de «drapeau fellaga», de la burka et d'une douzaine de minarets. Ce verdict est ce minimum qui vient quelque part rappeler le respect de la règle du jeu en démocratie française. Le PS et l'UMP peuvent s'en réjouir. Voilà donc les limites de la sanction judiciaire. Aucune trace, par contre, dans ce verdict de l'injure au premier symbole d'une nation libre et à l'islam. Le juge a sans doute bien pesé politiquement son verdict. Ce n'est pas demain que la justice française, toujours prompte à se saisir des dépassements et des préjudices causés à la démocratie en France, se décidera à engager une procédure sur les crimes de guerre en Algérie. Sarkozy, autant que Le Pen, est un farouche adversaire du minaret et un partisan de l'«Algérie française», comme beaucoup de ses camarades qui ont un bel avenir politique en France. Pas question pour lui donc que la France présente ses excuses pour le génocide colonial commis par Le Pen et ses amis au nom de la France. Comme Jacques Chirac, il veut que soit tournée la plus sombre et honteuse page de l'histoire de la France et propose de signer un traité d'amitié avec le gouvernement algérien. Trop simple a dit Ouyahia. Le Pen, c'est connu, est un criminel de guerre, tout le monde le dit. Mais la France a une dette à honorer. Une dette historique et morale que Sarkozy doit assumer. La coopération avec la France a un prix : elle se paie en euro. Le devoir de mémoire en a un autre : les excuses officielles de l'Etat français pour les crimes commis en Algérie par l'armée française dont Le Pen n'était qu'un simple lieutenant devenu aspirant à l'Elysée.