La tenue du conseil national du RND, jeudi et vendredi derniers à Zéralda, a été l'occasion pour le parti et son secrétaire général de s'exprimer sur les questions de l'heure. Le parti, qui fête ses 13 années d'existence, semble avoir mûri et ne compte plus se laisser marcher sur les pieds. Première victime de cette maturité : son frère ennemi, le FLN. La proposition de projet de loi criminalisant le colonialisme, présentée par le groupe parlementaire du FLN, a été déposée auprès du gouvernement qui devrait l'étudier et rendre sa réponse dans 60 jours. Même si Ahmed Ouyahia se garde, pour le moment, de donner une réponse à cette proposition, il n'a pas manqué de rétorquer aux voix qui assimilent un refus d'une telle proposition, à de l'antinationalisme. C'est, donc, “sans complexe” que le secrétaire général du RND a tenu à répondre au FLN. “Le nationalisme est devenu un registre du commerce. Le RND se pose des questions. Cela fait 50 ans que le pays est indépendant… Tous ceux qui nous ont gouvernés étaient-ils endormis ? Est-ce aujourd'hui que les gens se réveillent ? Où étaient ces gens lorsque le Parlement français avait adopté la loi du 23 février ? Cessons les surenchères. Si on avait consulté le RND, il aurait approuvé (la proposition de loi). Mais ils l'ont considérée comme un fonds de commerce”. En matière de nationalisme, le RND a ses martyrs, dira M. Ouyahia, qui citera Benhamouda, El-Makhfi et El-Hadj Zitoufi pour fermer ce registre. L'exigence de repentance est une revendication de tout le peuple Cette attaque en règle contre le FLN ne signifie pas que le RND ait changé de camp. La résolution politique du conseil national fait de la reconnaissance par la France de ses crimes coloniaux une condition préalable de toute relation durable avec l'Algérie. “La demande de repentance demeurera une revendication de tout le peuple algérien”, lit-on dans la résolution. Ahmed Ouyahia reviendra longuement sur la question durant sa conférence de presse. “Je suis de la génération de l'Indépendance et je suis sûr que les générations qui sont venues après moi sont imprégnées des valeurs de la Révolution de Novembre 54.” En guise de réponse à Bernard Kouchner, il dira qu'“ils racontent ce qu'ils veulent”. Pour le patron du RND, la question du passé entre l'Algérie et la France doit faire l'objet d'une reconnaissance, tout en insistant sur la nécessité que les deux pays établissent des relations économiques mutuellement bénéfiques. Quant à l'affaire des affiches racistes du Front national, Ahmed Ouyahia estime que s'en offusquer aujourd'hui c'est faire preuve d'amnésie et de rappeler qu'en 1973, le consulat d'Algérie à Marseille a été la cible d'un attentat à la bombe et que la communauté algérienne a été la cible d'attentats terroristes. “C'est un criminel (Le Pen). Il était para tortionnaire, pendant la guerre. Ce n'est pas étonnant de sa part.” Pour ce qui est de la dernière déclaration du Quai d'Orsay, à ce sujet, il se contentera de dire que “ce n'est pas avec cela que je m'endors et que je me réveille”. Corruption, rumeurs, grèves et haute couture Comme il fallait s'y attendre, Ahmed Ouyahia est revenu sur les rumeurs qui agitent la scène nationale et le climat tendu installé à la suite des affaires de corruption étalées dans la presse, mais aussi de la poursuite des mouvements de grèves et de protestations. Déjà le conseil national, dans sa résolution politique, a exprimé son inquiétude face au retour de certains phénomènes (recours aux manifestations et aux grèves, spéculations) qu'il considère comme une expression de l'opposition des groupes de pression aux réformes du gouvernement, et comme une tentative de certains cercles politiques à porter atteinte à l'image de l'Algérie et sa stabilité. Ahmed Ouyahia ira plus loin, dans sa conférence de presse en évoquant “les rumeurs et gesticulations”. Il se demandera : “Trouvez-vous la situation normale ? Grèves partout, flambée des prix, coups portés de l'extérieur, affaire Tibhirine, rumeurs sur la santé du Président et de son frère… Tout cela en moins d'une année. Je suis convaincu que c'est une affaire cousue de main de maître.” Et d'enchaîner : “Le frère du Président est malade, tout le monde le sait. Est-ce de la politique qu'il sorte devant la télévision pour démentir la rumeur ?” Ahmed Ouyahia parle de bassesse en évoquant ce cas précis. Pour lui, peu importe de savoir les parties qui distillent ce genre de rumeurs, mais il se dit inquiet du fait que la majorité a brillé par son indifférence et son silence. “Il y a un ‘bourourou' en Algérie qui s'appelle Ouyahia. J'assume mes responsabilités en toute liberté.” Il reviendra longuement sur les affaires de corruption pour marteler que la lutte contre la corruption est une volonté du président de la République et qu'elle ne se gère pas dans les cafés, mais à travers un arsenal juridique. S'il y a des affaires qui ont éclaté, c'est qu'il y a un travail qui a été fait au préalable par les institutions habilitées, dira-t-il. Le patron du RND regrette que cette lutte menée contre la corruption ne soit pas soutenue et ne donne pas lieu à des expressions de satisfaction au sein de l'opinion publique. Pour lui, “il y a une situation qui ressemble au pot pourri”. On évoque des luttes de clans, de lutte de régime “cet atmosphère donne l'impression que c'est une crise ou une campagne”. Or, dira-t-il, “il y a des lois. Elles s'appliquent”. Ahmed Ouyahia est longuement revenu sur les grèves qui secouent notamment les secteurs de l'éducation et de la santé. Tout en admettant que la Constitution reconnaît le droit de grève, il a rappelé que la Constitution reconnaît également le droit à l'éducation et dira que la justice avait tranché dans cette grève, avant de faire le parallèle avec des pays développés où dans pareils cas l'intervention de la force publique et parfois l'emprisonnement sont appliqués. M. Ouyahia ne manquera pas de lancer une pique en direction des médecins grévistes depuis trois mois, et qui continuent à exercer dans le privé. Listes noires et rançons contre otages Le conseil national du RND s'est insurgé contre le double langage des pays occidentaux en matière de lutte antiterroriste, notamment à travers les concessions faites aux terroristes à travers la paiement de rançons contre la libération d'otages. Tout en exprimant son inquiétude devant l'évolution du terrorisme dans le Sahel, le conseil national du RND refuse toute ingérence étrangère dans la région, sous le couvert de la lutte antiterroriste. Pour sa part, Ahmed Ouyahia a indiqué que le rappel de l'ambassadeur d'Algérie au Mali n'était pas synonyme d'une rupture de relations diplomatiques avec ce pays avec lequel le pays entretient des relations historiques. Toutefois, il a rappelé que les terroristes libérés par le Mali étaient réclamés par l'Algérie, en vertu de la convention d'extradition liant les deux pays. Tout en dénonçant l'inscription de l'Algérie sur des listes noires, le patron du RND ne désespère pas de voir les choses évoluer dans la bonne direction. Son conseil national a été clair à ce sujet : soit les USA et la France changent de position, soit l'Etat algérien doit appliquer les mesures de réciprocité. Orascom, le FMI et le marché algérien Ahmed Ouyahia a rappelé que l'Etat algérien avait le droit de préemption sur toute éventuelle vente des parts du groupe Orascom. Le dernier communiqué du ministère des Finances était beaucoup plus destiné aux milieux internationaux de la finance. Car, même si le patron de Orascom n'a cessé de marteler qu'il ne comptait pas vendre sa filiale algérienne, il n'en demeure pas moins que le gouvernement algérien s'est déjà fait avoir par ce même patron dans la revente des cimenteries au groupe Lafarge. Concernant les dernières déclarations du FMI invitant l'Algérie à réintroduire le crédit à la consommation, Ahmed Ouyahia est catégorique. “Dieu merci, nous sommes sortis de ses oukases, grâce au paiement par anticipation de notre dette. Il n'y aura pas de reprise des crédits à la consommation et les crédits documentaires resteront de rigueur.”