S'exprimant à demi-mots, reprenant son ton hautain des grands jours, il a eu pas mal de lapsus révélateurs. La crise est dépassée au RND. Tout en donne l'air. La conférence de presse animée vendredi, tard dans l'après-midi par Ahmed Ouyahia, était censée clore un débat qui a alimenté la chronique, des semaines durant. Donnant l'air de maîtriser de nouveau la situation, le patron du RND a tenté de resituer le débat sur des niveaux se prêtant mieux à sa vision des choses. L'exclusion de deux militants, de deux militants seulement, ne dérange pas, outre mesure, le patron du RND qui, au passage, jure qu'on l'a forcé, par deux fois, en 99 et en 2002 à prendre en main les destinées de ce parti. Première contradiction et non des moindres. Ouyahia ne croit pas à la réconciliation au sein de son parti. «Effacer tout et faire comme si de rien n'était équivalent à reporter la crise à une date ultérieure». Or, il ne fait aucun doute que ce ne sont pas deux personnes, pas seulement deux personnes, qui ont provoqué autant de grabuges le jeudi 20 juin, poussant un homme aussi flegmatique que Ahmed Ouyahia à sortir de ses gonds et à claquer la porte. On peut, en outre, interpréter le double langage du patron du RND comme une sorte de recherche désespérée du retour au calme en attendant d'aller vers la grande purge, celle qui n'épargnera pas grand monde, y compris certains membres influents du bureau national. La tempête est loin d'être passée, n'en déplaise aux apparences qui, en politique, se révèlent le plus souvent trompeuses. Ouyahia, particulièrement rancunier, n'a pas hésité à fustiger la «gent opportuniste» composant une partie, peut-être non négligeable, des rangs de ce parti. Un autre indice, en somme, que le RND se trouve bel et bien dans cette phase de calme qui précède la tempête. Promettant de tous les déloger, Ouyahia leur a «suggéré» de lui faire l'économie de cette véritable purge à venir en les poussant de partir d'eux-mêmes. «Je suis de ceux qui pensent qu'il faut passer une éponge javellisée après ripaille afin que nulle odeur ne subsiste d'un passé somme toute peu glorieux et que seuls restent autour de la table vide les militants sincères, avec des manches retroussées et un engagement sans faille pour le parti et pour le pays». La purge, partant de ces paroles très lourdes de sens, ne devrait faire de doute pour personne. Une autre conviction, qui semble tout à fait acquise pour le patron du RND, c'est que la descente aux enfers de son parti est loin d'être terminée. Déjà, il parle au passé de ses 86 sénateurs et prévoit, sans le dire franchement, un score très bas lors des élections locales prévues d'ici à l'automne prochain. Ouyahia se console et console sa vieille garde en indiquant, sans y croire sans doute lui-même, qu'un parti est fait pour monter et pour descendre et que l'important c'est que le combat se poursuive et que la victoire reste entre les mains de la même famille politique, celle des nationalistes. Ouyahia, qui se prépare forcément à mener un combat de très longue haleine, et dont l'issue est des plus incertaines, a même annulé le congrès extraordinaire qui devait avoir lieu immédiatement après les élections communales et de wilayas pour ne maintenir au programme que les assises ordinaires, «si tout se passe bien» prévues dans le courant de l'année prochaine. D'ici à là, l'«essentiel» aura sans doute été fait. Ouyahia, à ce sujet, qualifie son parti d'entreprise et son conseil national de conseil d'administration. Or, il ne fait pas de doute que cette «entreprise» est en perte de vitesse. Connaissant les antécédents de cet ancien Chef de gouvernement, le risque est grand de le voir «liquider» son entreprise et mettre tout le monde au chômage forcé. C'est cela aussi une table vide et propre après ripaille.