Il fallait voir la tête de ce pauvre condamné à une peine de prison ferme pour vol, et ce, par défaut. Il fallait l'entendre, à l'issue de l'audience, jurer de ne plus remettre les pieds dans un commissariat jouer les honnêtes gens. Il fallait faire un effort surhumain pour le suivre expliquer à la juge de Cheraga ce qui s'était réellement passé et comment il avait été surpris et humilié de passer du statut de témoin à celui d'inculpé condamné de la prison ferme. Il est vrai que l'histoire comme celle de jeudi passé n'ont pas lieu tous les jours, mais le bon sens veut qu'il y ait des commissariats qu'il faudrait reprendre en main et secouer le cocotier au-dessus des têtes. Et lorsqu'on vous donnera le nom du pauvre citoyen honorable, vous n'aurez plus envie de peser les fruits avant de les goûter. Notre héros du jour s'appelle Mechmech, abricot en français, et son avocat Aïd (fête). Maître Nassima Aïd, l'avocate de Mechmech, l'inculpé de vol, fait prévu et puni par l'article 350 du code pénal et qui prévoit de lourdes peines en cas de récidive. Heureusement, ce n'est pas le cas. De quoi s'agit-il ? Face à une attentive Yasmina Mezaache, la présidente de la section correctionnelle du tribunal de Cheraga (cour de Blida). Maître Aïd allait s'occuper du ménage juste après le court interrogatoire de Mechmech étouffé par l'émotion. Il va débiter avec beaucoup de difficultés : - «Madame la présidente, vous me demandez ce que je pense de l'inculpation. Je ne peux pas vous le dire, car lorsque j'avais quitté le poste de police, j'étais témoin. Aujourd'hui, je suis inculpé avec un verdict prononcé en mon absence», a dit l'inculpé qui racontera sa mésaventure avant que son défenseur n'achève le travail, à sa manière. - «J'étais à la recherche d'un micro portable. J'en avais trouvé un. Avant de le payer, je l'ai emporté chez un policier que je connaissais. Je lui avais demandé si ces jours-ci il n'y avait pas de plaintes pour vol de micros. Il m'a répondu par la négative. Et voilà où j'en suis maintenant.» Compréhensive, Hama, la procureure, demande l'application de la loi. En tenant sa plaidoirie sur les chapeaux de roues, l'avocate va de suite crier sa douleur de voir des citoyens, des témoins, qui passent au statut d'inculpé et de condamnés par le simple fait d'avoir été... honnêtes : - «Oui, oui madame la présidente, Mechmech est devenu un fruit pourri ! Quel avait été son tort ? Celui d'aller voir la police vérifier si le micro-portable était volé, on lui a répondu par la négative. Or quelques mois après, lorsque la défense avait demandé une copie du PV de police, il manquait un feuillet ! Et cela s'était passé dans une honorable institution ! C'est inadmissible, surtout que le micro avait été volé et que son propriétaire avait déposé plainte à temps. Alors, qu'a donc fait Mechmech pour mériter ce sort ? Rien, absolument rien. Reste votre décision madame la présidente : réhabiliter cet honnête citoyen qui n'a fait que ce qu'il fallait faire.» L'avocate allait retrouver son sourire à l'issue de la mise en examen du dossier qui a vu Mechmech être retiré du «casier fruits pourris» et retrouver une relaxe, car objectivement on ne souhaite à aucun citoyen de connaître cet... abricot assurément trop mûr. Happy end. Mabrouk.