Le sommet arabe de Syrte se tient sans la présence de Hosni Moubarak ni du roi Abdallah d'Arabie Saoudite. Le premier passe pourtant, aux yeux d'Israël et des pays occidentaux, comme le médiateur incontournable dans la recherche d'une solution au conflit israélo-arabe. Le second est l'auteur d'un plan qui porte son nom, suggérant l'«échange de la paix contre la terre» entre les Arabes et Israël. Six autres leaders sur les vingt-deux que compte la Ligue arabe n'ont pas répondu, pour une raison ou une autre, à l'invitation du colonel Kadhafi. La désunion des Arabes Si les intérêts particuliers des Etats et des personnes ont la priorité sur la cause commune, l'espoir - d'une position commune, ferme et résolue - peut-il venir de Syrte ? Israël sait d'expérience que les résolutions des sommets arabes, depuis le premier sommet suite au partage de la Palestine en 1947 par les Nations unies à celui qui vient de s'achever, hier à Syrte, ne seront pas suivis d'effet. Cette fois-ci plus que par le passé, il n'y a rien de quoi impressionner Netanyahou. Le Premier ministre israélien continuera de penser - ce qu'il dit déjà lors de son premier mandat - que les «résolutions des sommets arabes ont valeur de papier». Il sait que la famille royale saoudienne est en brouille avec Kadhafi et que Moubarak est pris par son projet de mur en acier pour étancher sa frontière avec Ghaza. Que Kadhafi n'a pas bonne presse ni dans le monde arabe ni à l'étranger, et que les pays arabes, sans exception, ont des priorités locales. Le Sahara occidental pour le Maroc et la rébellion interne pour le Yémen. La volonté politique arabe est un sentiment plus qu'une conviction forte. En un mot, que le consensus arabe, ce n'est pas demain la veille. Voilà le premier argument fort du Premier ministre israélien. La Ligue arabe a, certes, condamné «vigoureusement» la colonisation d'El Qods. Ce n'est pas suffisant. Elle n'ira pas plus loin que cet acte de bonne conscience. Et aucune mesure concrète de nature à contraindre Israël de geler les implantations juives sur les terres arabes, dont il ne restera bientôt plus de parcelle suffisante pour asseoir le futur Etat palestinien. Mahmoud Abbas, c'est le maximum qu'il puisse faire, ne veut plus se laisser duper par la «diplomatie d'usure» et refuse, catégoriquement, de reprendre langue - même par le biais de la médiation turque - avec Netanyahou tant que n'aura pas cessé la judaïsation de la ville sainte. Et la suite ? Le sort d'El Qods Côte israélien, on campe sur ses positions. Avec une arrogance qui en dit long sur les assurances que le Premier ministre israélien a reçues au cours de sa récente visite à Washington. Netanyahou est rentré plus déterminé que jamais à ne pas accepter le partage d'El Qods - ou ce qu'il en restera - et refuse que sa partie est soit la capitale du futur Etat palestinien. Il l'a dit les yeux dans les yeux à Hillary Clinton puis devant Barack Obama. La crise diplomatique entre Washington et Tel-Aviv, son allié le plus sûr au monde, ne fait-elle que commencer ? Les Américains ont été forcés de reconnaître, publiquement, comme l'a avoué récemment le chef du Pentagone, Robert Gates, que cette fois, les intérêts de «sécurité nationale» des Etats-Unis dans la région sont réellement menacés. Dans les conditions d'impunité du blocage israélien de la relance du processus de négociation au Proche-Orient, Barack Obama n'espère aucun progrès sur le dossier nucléaire iranien. A Syrte, aucun indice n'a laissé croire, comme c'est le souhait de Barack Obama, qu'un dialogue actif puisse s'ouvrir entre les pays arabes et l'Iran qui persiste et signe dans son refus de renoncer à son programme nucléaire. La puissance du lobby juif Et l'Union européenne dans tout ça ? «Jamais Israël n'aura été aussi intransigeant», ont fait observer, récemment, seize ambassadeurs européens proches du dossier Proche-Orient, favorables à une résolution contraignante contre Israël. La France, pays de l'Union européenne, qui a le plus de poids au Conseil de sécurité, a été interpellée pour préparer un projet dans ce sens. Nicolas Sarkozy, qui séjourne en ce moment aux Etats-Unis, acceptera-t-il de prendre une telle initiative ? Rien n'est moins sûr. En revanche, il ne renonce pas à son projet de lourdes sanctions contre Téhéran. Affaibli par les régionales avec une popularité dans le creux de la vague, il lui manque, dans le cas du Proche-Orient, l'essentiel : la conviction de Chirac et Dominique de Villepin dans le traitement du dossier irakien par le Conseil de sécurité. Et puis, ses amis du lobby juif le laisseraient-ils faire ? Que fera Obama ? Netanyahou a reçu avec mépris l'appel des ambassadeurs européens. Il sait que les Européens ne réussiront pas là où Obama a, jusque-là, échoué. Sa force, Israël la tient, d'abord et, surtout, de la désunion du monde arabe. De la timidité de la diplomatie européenne qui n'a pas les moyens du rôle qu'elle prétend jouer au Proche-Orient. De la puissance du lobby juif : la seule force qui gouverne, réellement, aux Etats-Unis contre laquelle Obama ne pourra pas grand-chose. Pour le moment ?