Des militaires de Guinée-Bissau ont arrêté jeudi le Premier ministre Carlos Gomes Junior et menacé de le tuer, ordonnant que des manifestants en sa faveur quittent les rues de la capitale Bissau, selon des sources concordantes. Les mutins ont également arrêté le chef d'état-major, le général José Zamora Induta, et une "quarantaine d'officiers", selon des sources militaires. Jeudi matin, des soldats ont saisi le Premier ministre de ce petit pays pauvre et instable au siège du gouvernement pour le conduire dans une caserne, avant de le ramener à son bureau puis à sa résidence privée. Des centaines de manifestants se sont alors mobilisés dans le centre de Bissau pour demander sa libération, et des militaires se sont déployés aux abords de la résidence de M. Gomes Junior. Par la suite, le chef d'état-major adjoint de l'armée, le général Antonio Indjai, a menacé devant la presse, de "tuer" M. Gomes Junior si les "attroupements" de ses sympathisants ne cessaient pas. "Nous vous demandons d'éviter tout attroupement dans les rues. Si vous ne le faites pas, cela peut nous amener à tuer Cadogo", surnom du Premier ministre, a déclaré le chef d'état-major adjoint. Il était accompagné par l'ex-chef de la Marine, le contre-amiral José Américo Bubo Na Tchute, accusé de tentative de coup d'Etat en août 2008. Réfugié dans les locaux de l'Onu à Bissau depuis le 28 décembre 2009, le contre-amiral en est sorti jeudi en fin de matinée après avoir signé un document assurant qu'il le faisait de son plein gré. Plus tard, une source militaire a indiqué que le chef d'état-major, le général Zamora Induta, avait été conduit sous bonne escorte dans une base aérienne, près de l'aéroport, et qu'une quarantaine d'officiers étaient arrêtés. Des soldats étaient visibles jeudi autour des casernes et la radio nationale, qui a interrompu ses programmes pour diffuser de la musique militaire. En début d'après-midi, les manifestants favorables à M. Gomes Junior étaient maintenus à environ 150 mètres de sa résidence. La Guinée Bissau est un petit pays d'Afrique de l'Ouest, au sud du Sénégal, dont la population d'1,5 millions d'habitants est une des plus pauvres du monde. Baigné par l'Atlantique, il est considéré comme un pays de transit pour le trafic de la cocaïne sud-américaine vers l'Europe. L'armée est très influente dans ce petit pays ravagé par une guerre civile à la fin des années 1990, et son implication dans le narcotrafic a souvent été évoquée. Le gouvernement du Portugal, ancienne puissance coloniale, a exprimé sa "préoccupation" face à la la situation en Guinée-Bissau. Et la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) a condamné les "tentatives de déstabilisation". Selon un des soldats impliqués dans l'opération, "le Premier ministre est actuellement à sa résidence privée où il a reçu un groupe d'officiers mais les rues voisines sont sous le contrôle de militaires qui l'ont arrêté". A la nouvelle de l'arrestation, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées devant le siège du gouvernement à Bissau pour exiger la libération de M. Gomes Junior. "Libérez Cadogo, nous en avons assez des violences", scandaient les manifestants, pour la plupart des sympathisants du Parti africain pour l'indépendance de la Guinée et du Cap vert (PAIGC, au pouvoir, ex-parti unique). La Guinée Bissau a été marquée par l'instabilité politique depuis son indépendance en 1974, avec une série de coups d'Etat. En mars 2009, le président Joao Bernardo Vieira, élu en 2005, a été tué par des militaires à Bissau, quelques heures après l'assassinat du chef d'état-major. L'actuel président bissau-guinéen Malam Bacai Sanha, 62 ans, a été élu le 26 juillet 2009 sous la bannière du PAIGC. Il a été soigné pour raisons de santé pendant plusieurs semaines, notamment à Paris, à la fin de l'an dernier.