Bien qu'ils n'aient pas mis une croix sur la piste géorgienne, le FSB russe a vu juste. Ce sont bien les «veuves noires» qui ont fait que le métro de Moscou soit nommé enfer. C'est l'Emir du Caucase, le chef tchétchène Dokou Oumarov, qui en personne a revendiqué le double attentat. Par cette action, il n'aurait fait que venger légitimement le massacre d'habitants tchétchènes et ingouches par les forces spéciales russes. Mais qui visait-il en particulier ? Dmitri Medvedev qui rêve d'une fédération de Russie plus démocratique au point d'agacer les hommes forts du Kremlin ? Vladimir Poutine qui, au bout de deux sales guerres à Grozny, n'a pas réussi à réduire en cendres les aspirations indépendantistes tchétchènes ? Sinon, le pouvoir russe dans son ensemble qui n'est pas prêt à se séparer du Caucase, stratégie énergétique oblige ? Plus de dix ans après avoir demandé aux forces russes de buter les terroristes jusque dans les chiottes, Vladimir Poutine vient de les charger de curer les égouts à la recherche de ces criminels. La guerre totale contre le terrorisme, précisément contre les djihadistes sécessionnistes, est relancée contre le gré de l'homme de fer qui aurait préféré continuer de la mener loin des caméras. Le réveil des rebelles du Caucase l'oblige ainsi à rendre la répression, dont il est continuellement accusé, plus visible aux yeux de la communauté internationale. Preuve tangible que la seconde guerre de Tchétchénie se poursuit et souvent ignorée par les Occidentaux, au nom de la lutte mondiale contre le terrorisme mais aussi au nom des intérêts stratégiques communs. La dépendance énergétique de l'Occident vis-à-vis de la Russie n'est plus à rappeler. En s'attaquant directement au pouvoir russe, les attentats au Daguestan seraient étroitement liés à ceux de Moscou, Dokou Oumarov cherche à ce que le premier montre son vrai visage répressif. Le leader tchétchène aurait pu éviter d'endeuiller toute la Russie pour faire tomber ce masque, les autorités de Moscou ne vont pas d'une main molle quand il s'agit de mater l'opposition. Pas plus tard que mercredi dernier, les forces de sécurité ont ressorti le gourdin pour disperser des rassemblements à Moscou et à Saint-Pétersbourg. Vladimir Poutine craint-il que la «combinaison objective» entre les forces démocratiques et séparatistes ne vient à mettre le Kremlin en péril ? Bien qu'il n'ait jamais baissé la garde, l'enfant terrible du KGB va devoir déployer plus d'efforts pour être sur les deux fronts, aussi menaçant l'un que l'autre. A force de répression, perceptible à partir des capitales occidentales les plus lointaines, Vladimir Poutine va-t-il devoir ménager le bâton et la carotte pour ne pas trop s'exposer à la critique internationale ? Il peut être certain d'une chose : Nicolas Sarkozy, que 67% de Français ne souhaitent pas le voir se représenter à la présidentielle de 2012, soutient sa guerre contre le terrorisme indépendantiste tchétchène. Pour la simple raison que quand Moscou est frappée en plein cœur, ce sont Paris et New York qui sont également frappés. Quitus en main, la Russie est autorisée à poursuivre sa guerre au grand jour sans avoir à rougir devant la grande démocratie occidentale.