Tessala El Merdja, comme le reste de la plaine de Mitidja, aurait dû connaître une autre fortune. Tout ce qui peut faire la prospérité d'une région est réuni en cette terre, étendue et généreuse, qui pouvait même prétendre à un destin d'avant-garde. Mais Tessala El Merdja, comme le reste de la plaine de la Mitidja, a été outrageusement mise à sac. D'abord spoliée de sa vocation, unique sentier de la prospérité en ces contrées, la voilà maintenant installée dans une existence hybride, sans passion et sans ambition, confinée dans un rôle de verrues éclatées aux quatre coins des centres urbains de l'Algérois. On n'entend que très rarement parler de Tessala El Merdja, mais ce qui nous parvient comme nouvelles de cette bourgade depuis quelques jours donne tellement froid dans le dos qu'on aurait aimé s'en passer. Partis de l'horreur de Zaâtcha, une autre verrue urbaine sur la face blanche d'Alger, des familles ont donc été relogées à Tessala El Merdja où des logements sociaux ont été construits pour, comme on dit à la télé, à la radio et dans les journaux, «éradiquer l'habitat précaire». On ne sait pas vraiment si c'est une incongruité que de loger à Tessala El Merdja des gens qui étaient sur les hauteurs du Champ de manœuvres, mais bon. On l'a tellement entendu qu'on a fini même par l'intégrer comme «injustice grave» envers des «ouled leblad» contraints à aller habiter «swahel Boufarik». Et depuis que les familles parties de Zaâtcha se sont installées à Tessala El Merdja, de petits caïds de douar sont en train de mener des descentes d'une rare violence chez les nouveaux arrivés pour leur signifier qu'ils n'étaient pas les bienvenus dans le coin. Des tracts dissuasifs, des intimidations individuelles et collectives et des rondes régulières sont effectuées par des bandes encagoulées pour s'assurer que l'ennemi se terre bien à la maison, comme il lui a été recommandé sous peine de terribles représailles. Et il se terre, le «parvenu»de Zaâtcha, il ne va plus au boulot comme tout le monde, ne fait plus ses courses normalement et, comble de l'horreur, il paraît que les enfants ne vont même plus en classe par peur d'être punis en cours de route, à moins que ce ne soit dans la cour de l'école. Le prétexte ? Des âmes particulièrement perspicaces trouvent anormal qu'on vienne de si loin prendre «leurs appartements» et ils le disent de la manière la moins digne en s'en prenant aux plus faibles. Il y a sûrement des mal logés, voire des pas logés du tout à Tessala El Merdja, mais empêcher des enfants d'aller à l'école pour se faire entendre est le procédé le plus vil pour exprimer une colère si juste. La force publique ? On l'a vu «gérer», on l'a vu réprimer, elle doit certainement savoir protéger aussi. Et surtout sans état d'âme. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir