Photo : Riad La Mitidja se meurt avec la complicité des pouvoirs publics. Des milliers de logements poussent sur cette plaine fertile naguère grenier de toute l'Algérie. Des logements sociaux, des cités AADL sont en chantier sans qu'on se préoccupe de la perte de ces terres agricoles qui sont pleurées par les agriculteurs de la région. «Le pays est vaste et immense. Pourquoi fallait-il donc détourner les terres de la Mitidja de leur vocation pour servir d'assiettes foncières aux programmes de logements ?» se demandent de nombreux agriculteurs de la région. «Tout a disparu. A Birtouta, Tessala El Merdja, Ouled Chebel, Boufarik et ailleurs, les vergers et les champs rivalisaient par leur lustre et leur charme. Aujourd'hui, le béton est partout. Et après on vient nous demander pourquoi le prix du kilogramme d'oranges atteint 150 DA. Croyez-moi, au rythme où va la bétonisation, dans quelque temps, il n'y aura plus d'agriculture sur cette plaine qui a fait le bonheur des colons avant l'indépendance», témoignent-ils encore. Il faut dire que le diagnostic de ces agriculteurs n'est guère exagéré au vu de ce qui se passe sur le terrain. Chaque mois, des exploitations agricoles collectives (EAC) et des exploitations agricoles individuelles (EAI) sont récupérées par les autorités locales et reconverties en chantiers pour des programmes de logements. Mêmes les propriétaires sont dépossédés de leurs terres au nom du sacro-saint principe de l'intérêt public. Du coup, les terrains de pâturage se rétrécissent comme peau de chagrin. L'élevage et l'agriculture sont dès lors frappés de plein fouet.Officiellement, l'urbanisation massive de la Mitidja inquiète les autorités. Ces dernières se sont dotées récemment de nouveaux mécanismes pour réhabiliter cette plaine. Rongée par le béton, sous l'effet de l'urbanisation, de la croissance démographique et de l'exode rural, la Mitidja paie le prix fort du lancement des futurs projets sur le territoire de la wilaya. Pour sauver ce qui reste des terres cultivables, la direction de l'agriculture de la wilaya de Blida a établi récemment un inventaire du foncier agricole intégré dans les plans d'aménagement urbanistiques. Cette opération est basée sur la classification des terres selon leur nature et leurs caractéristiques en vue d'orienter toute requête pour abriter un quelconque projet. Cette procédure s'inscrit, en fait, dans la logique de lutte contre le détournement et la dilapidation du foncier agricole qui sont aujourd'hui à l'origine du rétrécissement des terres agricoles comme peau de chagrin alors qu'elles étaient considérées, autrefois, comme la fierté de la Mitidja. C'est ainsi que, conformément à cette nouvelle procédure, seules les terres jugées non cultivables serviront désormais à accueillir des projets. Toutes les demandes faites dans ce sens seront soumises à une commission qui se chargera de l'étude des caractéristiques et de la qualité de la parcelle devant abriter le projet en question qui se prononcera sur le dossier, après examen de celle-ci. Dans le cas où il s'avérait que ledit terrain est arable, un dossier sera transmis au ministère de l'Agriculture, avec une fiche technique du projet et un P-V de réunion de la commission de la wilaya. En vertu de cette même mesure, la tutelle est habilitée à procéder à une visite d'inspection du terrain. Il faut dire que la loi d'orientation agricole promulguée en 2008 a fixé des mesures sévères en termes d'intégration des terres agricoles dans les plans d'aménagement urbanistique intervient pour freiner l'exploitation anarchique du foncier agricole qui subit des atteintes répétées par les coopératives immobilières qui érigent des bâtisses sur des terres très fertiles. Aujourd'hui, le foncier agricole a subi un grand préjudice, du fait du détournement de milliers d'hectares de leur vocation et les spécialistes annoncent une disparition de près de 5 000 ha d'ici 2015 si des mesures draconiennes ne sont pas prises pour sauver le patrimoine agricole, confronté également à d'autres aléas qui accélèrent sa dégradation, à l'instar de la désertification et l'érosion. Cependant, force est de constater que ces nouvelles réglementations n'ont en rien empêché l'extension urbaine et la création de nouvelles villes au niveau de la périphérie d'Alger encouragées par ces mêmes autorités désireuses soi-disant de sauver la Mitidja. Cette situation n'a fait d'ailleurs qu'aggraver le détournement des terres agricoles, devenue un casse-tête pour les pouvoirs publics, de par l'ampleur du phénomène. L'enquête réalisée par les services de la Gendarmerie nationale jusqu'à l'année 2007 a abouti à la mise en examen de plus de 16 000 personnes, accusées de dilapidation de 6 366 ha de terres du foncier agricole au niveau de la wilaya d'Alger. Aujourd'hui, les estimations font état de la perte de prés de 150 000 ha de terres agricoles publiques et privées depuis 1962.