Le gouvernement devait se prononcer hier sur le projet de loi criminalisant le colonialisme français. Déposé au parlement par le FLN et soutenu par 125 députés dès sa première mouture, refusé au départ par le bureau de l'APN, le projet a suscité moult débats qui ont même fait réagir la partie française, laquelle ne voit pas ce texte d'un bon œil. Des voix sont montées au créneau pour imposer le projet de loi et faire par là même adhérer l'opinion publique à la démarche, alors que d'autres ont émis des réticences quant aux visées de ses initiateurs. Des interrogations sont nées au lendemain du rejet pour «vice de forme» du projet de loi par le bureau de l'Assemblée qui l'a ensuite «accepté» après que ses initiateurs ont remodelé le texte. Certains ont même affirmé que le texte ne verra jamais le jour surtout après les déclarations du premier ministre Ahmed Ouyahia qui a estimé que «le message de novembre et l'esprit de citoyenneté ne sont pas l'apanage d'une catégorie précise», allant jusqu'à appeler à cesser le «commerce politique» et en indiquant que «le patriotisme est devenu un fonds de commerce». À la lumière de ces développements, le gouvernement va-t-il adopter le texte ? Qu'en pensent les partis politiques ? Le parti du premier ministre dont nous avons joint hier le chargé de communication Miloud Chorfi reste plutôt prudent. «Le projet est certes au niveau du gouvernement, mais nous ne pouvons nous prononcer dessus», nous rétorque ce responsable du RND qui prétexte ne pas connaître les contours du texte. Prudence au RND, forcing du MSP Un texte auquel le parti n'a pas été associé. Ce sont probablement les déclarations on ne peut plus significatives du secrétaire général du RND qui ont dicté «cette prudence», d'autant que Ahmed Ouyahia avait également déclaré que «le RND ne fait pas dans la surenchère à l'égard d'autrui et personne n'exerce de surenchère sur lui», précisant tout de même que s'il avait été sollicité, il aurait signé. Pour le chargé de la communication au MSP, Mohamed Djemâa, qui affirme que le sujet est largement débattu au niveau du parlement et de l'alliance présidentielle, il est prématuré d'anticiper sur la réponse du gouvernement, d'autant que, reconnaît-il, «il est rapporté çà et là que le gouvernement n'allait pas l'approuver». M Djemâa dira cependant que le MSP s'obstine à maintenir ses revendications légitimes qui consistent en la reconnaissance des crimes, tout d'abord, des excuses officielles et des réparations matérielles. «Attendons pour voir», dira-t-il encore. Le FLN place la barre très haut Les responsables du FLN, initiateurs du projet, étaient injoignables hier, mais il est certain que ses responsables au sein du gouvernement pèseront de tout leur poids pour faire passer le texte. Le secrétaire général du FLN n'a-t-il pas suggéré un débat sur le sujet au niveau de l'ONU ? «Un front commun» pour criminaliser le colonialisme est envisageable, selon les responsables du FLN. Certaines voix vont même jusqu'à avancer qu'au niveau officiel, l'Algérie «travaille d'arrache-pied» pour réaliser cet objectif. La visite du président vietnamien a permis selon certaines sources d'aborder la question. Interrogé sur ce point, Ramdhane Taazibt du PT, tout en réitérant le profil bas de sa formation «qui n'est pas associée à la confection du projet», admet que le colonialisme est un fait condamné par l'Histoire. Pour lui, un débat s'impose sur la question. «L'opinion française n'a rien à se reprocher», commente Taazibt, qui étaye ses propos par la levée de boucliers au lendemain de l'adoption de la loi française du 23 février 2005 glorifiant le colonialisme. «On s'exprimera sur le sujet après la réponse du gouvernement», ajoutera notre interlocuteur qui estime cependant qu'il faut lever les obstacles pour une écriture saine de l'Histoire. Le mouvement El Islah a, pour rappel, interpellé le gouvernement pour «réserver une réponse positive au projet» et appelé les député à adhérer au projet, soutenu également par la Fondation du 8 mai 1945 qui, dans un communiqué rendu public hier, exhorte le gouvernement à donner un avis favorable au texte.