Les traces de l'émeute à côté de la cité universitaire de 2000 lits de Zemmouri sont encore visibles. Des barricades et des pneus brûlés font le décor de cette paisible localité située à quelque 50 km à l'est de la capitale. C'est ici qu'ont eu lieu les affrontements entre les jeunes de la cité et les policiers, secondés par les éléments de garde communale. Des jeunes qui se sont révoltés contre la bavure policière qui a emporté Belarbi Hamza. Le jeune homme avait fêté il y a 10 jours seulement son 22e anniversaire, Moussa est l'ami intime du jeune Hamza. Il était avec lui le jour du drame. Il raconte : «Nous étions assis à la cafétéria El Bahdja dans la forêt Essahel, c'est un parc qui date des années 1970, où des familles viennent chaque week-end pour prendre l'air. En attendant le café qu'il a demandé, Hamza s'est levé pour se laver les mains. A ce moment, un homme fait irruption dans la salle et demande à Hamza de s'arrêter. Ce dernier n'avait rien entendu puisque le bruit de la musique résonnait fort. L'homme en civil a alors pris son arme, un pistolet, et a tiré un coup de feu en l'air. Comme le bruit de la détonation était assourdissant, tous les gens qui étaient dans le café et en dehors ont pris la fuite, chose qui est légitime, et là l'homme tire une balle dans le dos de Hamza. Ce dernier a couru malgré la blessure, avant qu'un policier posté dehors lui balance une rafale sans savoir de quoi il s'agit…» L'ami de la victime éclate en sanglots. Il s'arrête un moment pour reprendre son souffle avant de continuer : «Je vous disais donc, le policier ayant tiré le premier coup de feu sur Hamza le poursuit et le crible de balles, à environ 10 mètres de la cafétéria. Hamza tombe et il réussit à articuler péniblement au policier : «Aâlah aâlah, wach dert ?» (pourquoi, pourquoi, qu'est-ce que j'ai fait ?) De sang-froid, le policier lui loge une dernière balle entre les yeux, le laissant sans vie». Moussa est sans voix, il s'adosse à un mur et tape dessus avec ses mains en pleurant la perte d'un ami cher. Un autre ami de la victime reprend : «Hamza est un sportif, il ne fume pas, il ne chique pas. C'est un garçon qui est estimé et adoré par tous ceux qui le connaissent à Zemmouri. Pourquoi tuer un garçon comme lui en le criblant de 7 balles dans le corps et la dernière à bout portant entre les yeux ?» Il ajoute : «En plus, le jour du drame, Hamza était vêtu d'un survêtement, d'un pull serré et une paire de sandales, tout était visible en lui, il n'avait rien. Le pire c'est que même les collègues du policier quand ils sont arrivés ont commencé à crier sur l'assassin en lui disant ‘pourquoi tu l'as tué, il n'a rien fait, il n'a rien d'un voyou' et le policier assassin lui-même s'est écroulé par terre en pleurant». La huitième balle ! «Ils ont emmené le corps de la victime et ils ont écrit qu'il était non identifié, pire encore, il a été répertorié sous X avec la mention ‘terroriste non reconnu' !» La dépouille de la victime a été emmenée en premier lieu au commissariat central de Boumerdès et transférée ensuite à la morgue de l'hôpital de Thenia pour autopsie. Le jeune Hamza Belarbi a été inhumé avant-hier, son enterrement a drainé des milliers de gens venus l'accompagner à sa dernière demeure. Au parc Es-sahel où Hamza a été froidement exécuté, nous avons rencontré son oncle chez qui il travaille comme serveur dans sa cafétéria. Boualem Belarbi est sous le choc : «One two three viva l'Algérie. Hé oui, Hamza est mort donc je dois prendre le relais non ?» L'homme était choqué et encore sous l'effet de ce tragique accident qui a emporté son enfant, puisque ce dernier n'a ni femme ni enfant et que le seul être cher pour lui est le jeune Hamza. «Hamza a été à Oum Dormane au Soudan pour supporter les Verts et il préparait son voyage en Afrique du Sud, il travaille chez moi et bricole ailleurs pour réunir la somme d'argent, un tel supporter de son pays peut-il être un terroriste ?», s'est-il exclamé en furie. «Mon neveu est ravi à la fleur de l'âge et à 2 mètre du centre de vacances de Batimatec, y a-t-il un centre de vacances au maquis ? Et au moment où l'assassin lui tire la dernière balle, mon neveu lui parle «Aâlah aâlah, wach dert ? et ce policier qui lui tire une dernière balle entre les yeux, c'est un film d'horreur.» Sur la situation de ce parc, Boualem explique : «Je vis ici depuis 20 ans, cet espace a été créé par l'Etat durant les années 1970. Même durant la période du terrorisme des années 1990, jamais, mais alors jamais je n'ai vu de terroriste dans ce parc, à l'époque déjà les familles venaient se reposer dans ce lieu, regardez, c'est un lieu paradisiaque.» L'âme ne s'achète pas Après l'odieux assassinat du jeune Hamza et le soulèvement de la population, les éléments de la police ont accentué les descentes de nuit et ont embarqué 34 personnes, toutes jeunes et connaissant la victime. Amar raconte : «Nous avons été embarqués par la police et au commissariat, les policiers nous ont demandé de témoigner comme quoi la victime avait des liens avec les terroristes. Mais nous avons refusé un tel mensonge. Le lendemain, des cadres de la police sont venus au domicile de la victime et ils ont emmené son père au siège de la wilaya et ils lui ont proposé de l'argent en contrepartie d'appeler les émeutiers au calme !» Fait d'ailleurs que le père de la victime nous a confirmé. Le frère de la victime, Mohamed Belarbi, son père et sa mère nous ont reçu au bas de l'immeuble dans un quartier populaire de Zemmouri, en jurant : «Nous n'allons pas pardonner, nous allons ester l'assassin de mon frère en justice et nous espérons que la justice algérienne fera la lumière», a déclaré le frère avant que sa mère l'interrompe : «On m'a volé une rose de mon jardin et jamais je ne pardonnerai, mon fils est unique et tout le monde peut en témoigner.» Les citoyens de la ville de Zemmouri n'arrivent pas à faire le deuil du jeune Hamza. Ils ne demandent qu'une seule chose : que justice soit rendue à sa famille.