Dans le monde fascinant de la presse, il y a des gens qui restent et ceux qui vont vers d'autres ailleurs. Dans ce lot de partants, ceux qui n'ont pas fait de leurs premières amours leurs dernières, pour paraphraser Tahar Bendjelloun, figurent des personnalités qui occupent aujourd'hui des postes politiques importants. En tête du peloton, pour ne citer que l'un des postes politiques les plus importants, le Premier ministre Ahmed Ouyahia, a exercé, même si c'était un passage à El Hadef et Révolution africaine, le métier de journaliste. D'autres ministres, chefs de partis ou encore députés ont aussi tenté l'expérience avant changer de cap car la carrière politique est «un débouché naturel d'une carrière journalistique», dixit Mohamed Saïd, ex-diplomate et actuel président du parti PLJ non agréé. Nous avons tenté de joindre quelques-unes de ces figures pour recueillir leurs impressions sur l'évolution du métier, mais beaucoup de «services de communication» demeurent inefficaces… en communication. Nos sollicitations sont restées lettres mortes pour certains, alors que d'autres ont bien voulu donner leurs avis. La presse a beaucoup changé, de l'avis de Miloud Chorfi, député, actuel chargé de la communication au RND, ex-journaliste à l'Entv. «La presse a réalisé un parcours positif depuis le code de l'information de 1990», affirme-t-il, étayant ses dires par la foultitude de titres entre quotidiens, hebdomadaires et autres magazines spécialisés, estimant leur nombre à 300, pour un total de 4200 journalistes. Pour M. Chorfi, cette évolution est très importante même si il endosse certains dépassements à la presse qui relèvent, selon lui, «de l'apprentissage de la démocratie». Interrogé sur la dépénalisation du délit de presse, revendiqué par la corporation, M. Chorfi affirme que chaque dépassement doit être sanctionné, avouant toutefois que le texte de 2001 doit être revu chaque dix ans. Il révélera qu'une mouture «beaucoup plus équilibrée» est en préparation. Le choix de M. Chorfi d'opter pour une carrière politique est dicté, selon lui, par «l'appel du devoir national». «Je considère la carrière politique comme débouché naturel pour tout homme de presse» «La multiplication des médias est un signe de bonne santé. Il faut l'encourager et par là même encourager l'expression libre», soutient d'emblée Mohammed Saïd, qui admet toutefois qu'en pratique la presse rencontre énormément de difficultés «dont les unes sont objectives, qui tiennent de sa jeunesse, un facteur de risque d'erreurs». Selon l'ex- DG de l'APS, les difficultés subjectives tiennent aux conditions politiques dans lesquelles la presse évolue. «Il faut lever la pression politique qui s'exerce sur la presse de manière directe et indirecte», c'est-à-dire, selon lui, par le biais de la publicité pour la première manière et de la pénalisation de l'acte de presse pour la seconde. «Il faut annuler toutes les dispositions pénales», préconise-t-il, pour avoir réellement une presse libre. A notre question de savoir pourquoi il a opté pour une carrière politique, l'ex-journaliste croit avoir atteint ses objectifs journalistiques dans la mesure où il a exercé tous les genres. «Je crois que j'ai atteint tous mes objectifs», dit-il encore avant de conclure : «Je considère la carrière politique comme débouché naturel pour tout homme de presse.» Journaliste au quotidien national Echaâb en 1967, Abdelkader Bensalah, l'actuel président du Conseil de la nation (Sénat), qui a eu une carrière journalistique prolifique, semble le mieux «coller» à la conclusion de Mohammed Saïd. Ce dernier a même succédé à Bensalah au poste de directeur du centre algérien de l'information et de la culture basé à Beyrouth. En effet, une année après, Bensalah devient correspondant et directeur du bureau de l'hebdomadaire El Moudjahid et du quotidien El Djoumhouria au Moyen-Orient de 1968 à 1970, avant de devenir directeur du Centre algérien de l'information et de la culture (Caci). Un poste qu'il occupe pendant quatre ans, de 1970 à 1974, durant lesquels est lancée la publication en arabe de Algérie : évènement et documents. Il était également directeur général du quotidien Echaâb, de 1974 à 1977, puis se lança juste après dans une carrière politique entamée avec un mandat de député pour aboutir au poste de «deuxième homme du pays». D'autres journalistes ont dû quitter le métier illico, «appelés à d'autres fonctions», à l'instar de Abdelkader Messahel qui était en mission à l'étranger (Canada) lorsque nous avons tenté de le joindre. Il a fait ses débuts à El Moudjahid avant de rejoindre en 1971 le ministère des Affaires étrangères en tant que chef de la section «Mouvements de libération» et il y est toujours en tant que ministre délégué. Beaucoup aussi, en exerçant d'autres métiers, collaboraient souvent avec les titres existant sur le marché ou carrément comme le ministre de l'Enseignement supérieur, Rachid Harraoubia, qui contribuait avec diverses revues scientifiques internationales. Le changement de cap pour répondre au devoir national ou par satisfaction du devoir accompli dans la presse, comme l'ont affirmé nos interlocuteurs, explique cette nouvelle vocation».