Plusieurs acteurs politiques, associations et représentants de la société civile au Maroc ont contesté le travail de l'Instance gouvernementale Equité et réconciliation. Les trois puissantes ONG, en l'occurrence, l'Association marocaine des droits humains (AMDH), l'Organisation marocaine des droits de l'homme (OMDH) et le Forum vérité et justice (FVJ) ont estimé, dans un communiqué rendu public le 7 février dernier, que « la méthode adoptée par l'IER, concernant les disparus, risque de ne pas aboutir à des résultats concrets et de ne pas dévoiler la vérité ». Selon Mohamed Boukili, membre de l'AMDH, cité par le journal français Le Monde, « l'opinion publique marocaine est un peu marginalisée. C'est plutôt l'élite et les associations de défense des droits de l'homme qui se sentent concernées (...) Il n'y a rien de vraiment nouveau pour le grand public », a-t-il souligné. Selon ces associations de défense des droits de l'homme, la démarche du roi « absout les anciens tortionnaires et leurs commanditaires des graves crimes contre l'humanité dont ils se sont rendus coupables ». Le président de AMDH, Abdelhamid Amine, a souligné de son côté que « les témoignages doivent être accompagnés par la citation des bourreaux et des tortionnaires, ainsi que la non-délimitation de la période des atteintes aux droits de l'homme ». Fondateur de la mouvance islamiste, Abdelkrim Moutii a qualifié de sournoises et de « douteuses » les actions menées par l'IER. Il a même appelé, depuis son exil, à l'arrêt, pur et simple, des auditions et des témoignages qui, selon lui, ont ravivé les douleurs. « Il n'y a ni équité ni réconciliation », a-t-il martelé sur les ondes de Radio Sawa. Pour sa part, Driss Basri, ancien ministre de l'Intérieur et l'une des pièces maîtresses des « années de plomb », a estimé, dans un entretien publié le 2 février dernier par le quotidien français Le Figaro, que « certains responsables, voulant certainement légitimer leur pouvoir, se sont aventurés à tout remettre sur le tapis avec un marchandage grotesque ». L'allusion renvoie, bien entendu, à son premier adversaire, le roi Mohammed VI. Un ancien détenu politique et responsable du parti de gauche, Ahmed Bendjelloun, a déclaré, pour sa part, qu'« il n'y a pas eu de mesures pratiques pour tourner la page des événements liés à la violation des droits de l'homme au Maroc ». Secrétaire général du parti de l'Avant-garde démocratique socialiste (PADS), Bendjelloun a réfuté, dans un entretien au quotidien Essabah, le droit à l'Instance équité et réconciliation (IER), de parler ou de faire le bilan des violations des droits de l'homme au Maroc. « Personnellement, je n'accorde aucun droit à cette instance pour évaluer les dégâts et le préjudice moral et physique que j'ai subi du fait des violations des droits de l'homme », a-t-il affirmé. Pour lui, ces auditions sont « des lamentations collectives ». Plus loin, Bendjelloun a décoché des fléchettes sur les initiateurs de la démarche : « Des responsables des violations graves aux droits de l'homme occupent encore des postes importants au sein des appareils de l'Etat, ainsi qu'au niveau de la hiérarchie des services de sécurité. »