Il y a des jours où des procès sont tenus avec beaucoup de solennité que l'on a peine à suivre, tant l'absence franche de délit est manifeste. Voilà un Algérien plus riche qu'un richard résidant aux USA. En bon Algérien, il se présente à la barre face à la présidente de la section correctionnelle du tribunal de Bir Mourad Raïs (cour d'Alger). A la barre, il va apprendre qu'il a effectué des travaux que seule la Seaal (entreprise de gestion et entretien des eaux) est en droit d'effectuer. Il y a aussi cette histoire de vol... d'eau qui va laisser pantois le vieil inculpé et surtout faire sourire l'avocate qui va faire le vide autour d'elle en étant plus que convaincante, car ce même tribunal sait mieux que quiconque qu'un tribunal digne de ce nom ne juge un dossier que sur des preuves. A défaut, la relaxe est le seul verdict pour la sauvegarde de la renommée de la justice, de notre justice, la seule, la vraie. Maître Faïza Mehfouf, l'avocate de l'enfant de Bouzareah, un père de famille possédant dix-sept appartements, dont un aux States, et poursuivi pour vol d'eau courante aux dépens de la Seaal, s'est vivement élevée contre ces poursuites qui ne reposent sur rien. «Il n'y a aucun constat d'huissier, ni déplacement sur les lieux où mon client n'a jamais rien entrepris d'illégal.» Poursuivre cet inculpé pour vol d'eau courante, un délit grave, est selon l'avocate «plus que stupide. Il est même effarant, pour un Algérien aisé qui n'a pas besoin de «subsides» pris aux dépens de la Seaal». La procureure, elle, suit les débats, comme elle va suivre la belle envolée de l'avocate venue réhabiliter son client, debout, digne, répondant au tac au tac à cette présidente bien outillée, car elle avait bien lu le dossier et donc savait les bonnes questions dans une ambiance bon enfant, car la salle pleine à craquer suivait elle aussi cette manière de rendre justice de cette magistrate du siège. Le second inculpé, lui, a eu le mérite d'avoir reconnu avoir ramené quelqu'un exécuter des travaux de pose de canalisation. - «Saviez-vous qu'il n'y a qu'une seule entreprise habilitée à effectuer de tels travaux ?», demande Kouhil, la juge, faisant allusion évidemment à la Seaal. - «Oui, c'est vraiment embarrassant d'effectuer des travaux normalement confiés à des professionnels dûment formés et non à des bricoleurs qui peuvent causer des dégâts irrattrapables.» D'ailleurs, le sourire qui illuminait le beau visage de maître Mehfouf, en disait long sur la certitude qu'elle contenait quant à une issue heureuse de ces débats, tant l'évidence était frappante. Akila Bouacha, la représentante du ministère public, avait gardé un silence éloquent en suivant assidûment les débats qu'elle avait estimés bons et à leur juste valeur. D'ailleurs, en réclamant comme demande du parquet l'application de la loi, elle expédia un très beau sourire à la jeune avocate qui sait, elle, lire entre les lignes de ce que signifie cette demande, d'ailleurs assimilée à juste titre par l'immense majorité des défenseurs convaincus de la justesse de la cause du dossier du jour, comme étant une... relaxe pure et simple. D'où cette lumière qui avait envahi le beau visage de la jeune avocate, sûre d'elle, surtout qu'elle était étranglée par une profonde émotion, à croire qu'elle défendait sur pied, bec et ongles un proche. Et le large sourire craché en direction de maître Mehfouf par le vieil inculpé en disait long sur l'état d'esprit et l'atmosphère bon enfant qui régnaient dans la salle d'audience, grâce à la maturité de la présidente, une magistrate qui n'était pas assise pour chercher autre chose que la vérité. La mise en examen est décidée par la présidente. L'avocate, optimiste, quitte la salle d'audience. Une semaine après, elle apprend le verdict. La relaxe.