Si la burka n´existait pas, Nicolas Sarkozy l´aurait inventée. Depuis son arrivée au pouvoir en 2008, le président français, qui peine à pousser au-dessus de 0,1% le produit intérieur brut de son pays, ne semble pas en panne d´imagination pour relancer le débat sur la question, secondaire et marginale, de la burka. Ce mercredi, le conseil des ministres devrait adopter sans difficulté et sans état d´âme le projet de loi interdisant le port du voile intégral, en se passant de l´avis du conseil constitutionnel qui a conclu à l´inconstitutionnalité de cette initiative sur laquelle on n´a pas fait le tour de la question en France, pas plus d´ailleurs que dans le monde musulman. Dans cette conjoncture de crise financière exceptionnellement virulente pour l´économie de la France, qui fait 2000 euros de déficit par minute, le gouvernement français a trouvé une place dans son agenda pour animer le débat autour de la burka sur fond de «respect des valeurs de la République». Tous les moyens sont bons pour jeter de la poudre aux yeux de la catégorie professionnelle la plus menacée par le chômage, celle des fonctionnaires qui travaille dur, paie ses impôts et reçoit la facture du déficit public. Après la chasse à la délinquance et aux sans-papiers, la burka a eu à son tour droit au chapitre parmi les priorités des priorités d'un président qui puise ses ressources humaines à gauche pour faire une politique d´extrême droite, souvent moulée dans la culture islamophobe. Parvenu aux plus hautes fonctions de la première démocratie dans le monde, le fils d´une famille d´immigrés polonais a choisi de fermer les portes de l´Union européenne à la Turquie, pays de l´«Asie mineure», selon sa propre expression, un allié de la France et des Etats-Unis pourtant plus atlantiste – pour avoir servi de base avancée de l´Otan – que son pays d´origine, la Pologne, berceau du Pacte de Varsovie. Les temps ont bien changé. Un peu trop rapidement depuis que Nicolas est à l´Elysée. L´argument géographique de l´appartenance de la Turquie à l'«Asie mineure» et non à l´Europe ne tient pas devant la géopolitique. Le défunt M´hammed Yazid, (Dieu ait son âme) avait avancé cette conclusion prophétique, du temps où se posait encore la question de la direction que devrait prendre le processus d´élargissement de l´Union européenne, que «les frontières de l´Occident c´est l´islam». Nicolas Sarkozy n´a rien inventé. Son seul mérite aura été de passer à la mise en œuvre de la culture islamophobe qui fait consensus en Occident. Davantage, du point de vue culturel, que le veto français au dossier lourd de l´entrée de la Turquie à l´Union européenne, le port du voile intégral est loin d´être un simple détail, un dérapage ou, en réalité, un manque d´imagination propre au gouvernement Sarkozy. Le voile islamique s´inscrit, en fait, en droite ligne dans une campagne, avec tous les ingrédients anti-islam, qui a été lancée avec les caricatures injurieuses pour notre religion sacrée et notre Prophète Mohamed (QLSSSL) un peu partout dans les pays d´Europe, l´immigration choisie, le port du voile à l´école, le minaret des mosquées et, à présent, la loi sur la burka que le porte-parole du groupe parlementaire l´UMP de Sarkozy a assimilé à la sanction de l´attentat à la pudeur (un homme qui se balade nu dans la rue, selon l´exemple qu´il a choisi). Les chauds partisans de cette nouvelle idéologie commune en Occident, ce ne sont pas toujours, pour ne pas dire jamais, les aborigènes de France, ni les chrétiens, les vrais, mais généralement des enfants et petits-enfants d´émigrés qui ont encore de la famille quelque part, assez loin du pays d´accueil et qui souffrent quelque part du syndrome du citoyen de seconde classe. Trop vite assimilé, avec un zèle motivé, c´est peut-être là qu´il faut chercher ce petit complexe érigé en idéologie de rejet du droit à la différence, de la culture des autres. La loi contre le port du voile intégral n´est rien d´autre que la manifestation de cette culture primaire qu´est l´islamophobie.