Le voisin, un géant d'un mètre quatre-vingt-douze, a-t-il réellement agressé sa vieille voisine qui avait présenté deux certificats médicaux à quelques jours d'intervalle ? La justice avait été saisie. Les proches de Marouane rient jaune à l'idée que si vraiment il l'avait agressée, il l'aurait écrabouillée, mise en morceaux. Les coups et blessures volontaires auraient été précédés par la destruction d'une porte d'une des chambres de la voisine qui a réclamé quinze millions de centimes pour les dommages causés. Les trois avocats du détenu ont chacun à sa manière tenté de le tirer du bourbier. L'une d'eux avait même balancé une affirmation digne des «studios misr» version nombre 2009, en l'occurrence que c'est la voisine qui s'était blessée au visage pour envoyer Marouane en taule. Tiens, il y a un Halliche ou Lemouchia ?Marouane S. n'a pas encore la trentaine. Il est détenu pour destruction de bien d'autrui et coups et blessures volontaires à l'encontre de sa voisine expulsée la veille – par décision de justice – du terrain qu'elle s'était approprié à l'aide d'un faux et que la justice avait jugé en son temps. Face à Saloua Derbouchi, la présidente de la section correctionnelle du tribunal de Bir Mourad Raïs de la cour d'Alger, Marouane, du haut de ses cent quatre-vingt-douze centimètres, et ses cent quarante kilos va en trois phrases mal expliquer sa position : il dit sans coup férir, le front perlant de trouille. - «J'étais debout devant la porte mitoyenne de cette voisine, avec mon père, lorsqu'elle est venue nous provoquer.» La juge va se contenter – pour le moment – de ces affirmations. Puis elle va passer à la victime qui a l'âge de la maman de l'inculpé complètement démontée par l'inculpation ou plutôt les deux inculpations : les articles 407 et 266 sont redoutables, et la tante maternelle de Marouane craint beaucoup plus les deux certificats médicaux que maître Mounira Jarboua, l'avocate, va brandir en guise de preuves palpables. La victime va en effet tout raconter devant un Marouane franchement tétanisé par la détention préventive. Elle raconte comment il a fracassé la porte de la chambre avant de lui assener les coups de barre de fer. «C'était la première agression du 24 novembre 2009. Ce qui fera réagir la juge qui attire son attention que sur le certificat médical, il y est fait mention de coups de pied et non de barre de fer.» Puis elle revient à la victime qui évoque la seconde agression, celle de moharrem où l'agression avait été devancée par la destruction des biens d'autrui et l'agression avait été réalisée à coups de... cailloux. Les quinze jours d'incapacité allaient enhardir maître Jarboua qui va réclamer cent cinquante mille dinars de réparation. Abderahim Regad, le procureur, demande froidement, sans aucun commentaire, une peine de prison ferme d'un an. Rude tâche des trois défenseurs. Maître Hayet Bouras, maître Latifa Rezaïg et maître Ahmed Bouchiba, qui passeront tour à tour au peigne fin toute cette méga-comédie mise en place par la victime, présentée comme une sainte nitouche. Maître Bouchiba regrette cependant que des voisins en soient arrivés là le jour d'une fête religieuse où la piété et le pardon devaient prendre le dessus. - «Madame la présidente, il y a autre chose derrière ce dossier. Le civil a vu Marouane réjoui que la justice ait fait son travail. Il n'avait aucune raison de casser quoi que ce soit ou d'agresser sa voisine qui a l'âge de sa tante, voire de sa mère», avait clamé maître Bouchiba qui avait ricané lorsque sa jeune consœur maître Latifa Rezaïg avait soutenu qu'il n'y a jamais eu de coups et blessures. «La vérité est que cette voisine s'était blessée à l'aide de pierres savamment passées sur le visage», a-t-elle hurlé alors qu'une avocate nous confiait à l'oreille. «Monsieur, les Egyptiens nous apprennent tout. Cette affirmation me rappelle drôlement les déclarations des Egyptiens le soir de l'agression du bus de l'EN, déclarations jurant que Halliche et Lemouchia s'étaient blessés en cognant les vitres du bus...» L'avocate riait en espérant que Derbouchi n'y avait pas pensé. N'empêche que maître Rezaïg avait peut-être fait de l'humour, car elle était revenue sur le dossier pour dénoncer, tout comme sa jeune et acharnée consœur maître Bouras, le flot de déclarations contradictoires débitées par la «pseudo-victime» qui avait refusé d'avaler qu'elle avait confectionné un faux document et qu'elle avait été poursuivie et déboutée. Elle avait même tenté de réoccuper les lieux qu'elle avait désertés la veille des faits, le 23 novembre. La présidente, elle, prenait beaucoup de notes et d'actes. Elle a sûrement relevé les propos contradictoires des uns et des autres. Elle va faire en sorte pour que son verdict et les attendus soient conformes aux faits, aux preuves (les certificats médicaux) qui ont mis les proches de l'inculpé en émoi et leur a même «placé» une trouille, celle d'une condamnation qu'ils considèrent injuste ! Le dossier avait été suivi par de nombreux curieux, des proches, surtout par alliance, ou même des voisins qui n'auraient jamais cru qu'un jour ce Marouane serait entendu par la justice avec le statut d'inculpé-détenu. La mise en examen décidée par la présidente prouve, si besoin est, qu'elle n'est pas encore fixée. Elle a aussi deux certificats médicaux et a refusé d'examiner le fameux CD qui montre que la victime avait une pierre à la main et qu'elle se blessait à dessein. Or, pourquoi n'a-t-elle pas demandé une expertise ? Mystère.