Depuis que Amar Ztéli a été démis de ses fonctions par un vote de défiance, le 29 avril dernier, l'APC de la Casbah demeure sans président. La tentative, faite mercredi, d'installer Farid Boussahia à ce poste n'a pas abouti, du fait du refus inexpliqué du wali délégué de Bab El Oued d'appliquer l'article 51 du code de la commune. Dans la Basse-Casbah, les passants ainsi que les habitants n'arrêtaient pas d'entendre, mercredi après-midi, les youyous qui leur parvenaient par moments des locaux de la kasma FLN, de la rue Cheikh El Qanaï (ex-rue Soudan), dans les environs de la mosquée Ketchaoua. Il ne s'agit pas de fêter un mariage. Le siège a en fait abrité un rassemblement improvisé surtout par des femmes employées de l'APC de la Casbah, qui sont proches de l'ex-président Amar Ztéli, et qui ont tenu à le faire comprendre à qui de droit. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, cette joie partagée a été exprimée immédiatement suite à l'échec de la nouvelle tentative faite par la wilaya déléguée de Bab El Oued de relancer l'assemblée bloquée depuis fin 2007 ! En clair, l'APC demeure sans président depuis que M. Ztéli a été démis de ses fonctions (il n'a pas démissionné comme cela a été rapporté dans notre édition de mercredi). La gestion des affaires courantes reste donc de la responsabilité d'un administrateur. Les affaires de la population peuvent attendre. «Le blocage continue», affirme tranquillement et joyeusement M. Ztéli, dans une déclaration faite au Temps d'Algérie. L'élu n'arrêtait pas de tourner dans les bureaux avant d'aller se promener à l'extérieur du siège où il a été apostrophé par ses partisans. «Ça restera comme ça jusqu'en 2012 (nouvelles élections locales). Personne ne prendra ta place !», lui cria un «fan». Décidément, le blocage fait des heureux ! Il n'y a pas deux sans trois Le wali délégué de Bab El Oued, Saïd Méziane, a donné rendez-vous aux 15 élus composant l'assemblée, mercredi à 14h, afin de procéder à l'installation du nouveau premier magistrat de la commune. Cette réunion est venue après celle tenue le 29 avril, toujours pour tenter de trouver une issue favorable au blocage de l'assemblée. A l'issue de la rencontre de fin avril, la majorité des élus avait signé la délibération n°1 portant retrait de confiance au président Ztéli. Cette délibération a été approuvée par un arrêté du wali n°1050 du 12 mai, portant destitution du P/APC. Tout est donc prêt à l'installation d'un autre président parmi les deux prétendants au poste. Farid Boussahia, d'obédience FLN, est à la tête d'une coalition de dix membres, soit la majorité absolue. Il est soutenu dans sa candidature par 3 membres FLN, 3 RND, 2 FNA et 1 PT. Son concurrent, Khellafi Tahar (liste FLN lui aussi) forme un groupe de cinq membres, soit une minorité. Logiquement, tout indiquait, mardi, que M. Boussahia serait élu, le lendemain, à la tête de l'APC. Mercredi, 14h. Devant le siège de la commune, boulevard Che Guevara, des dizaines de femmes s'étaient déjà rassemblées sans que la police ne les disperse. L'attroupement a été toléré. Le scénario du 29 avril s'est reproduit ainsi. D'un seul coup, sans crier gare, tous les présents au sit-in scandaient : «Vive Ztéli !»... Le wali délégué venait d'arriver sur les lieux. La porte du siège a été aussitôt fermée devant les partisans du maire déchu. Les agents de sécurité, une dizaine, étaient sur le qui-vive, épiant le moindre mouvement susceptible de troubler le déroulement de la réunion. La tension était dans l'air. On courait dans tous les sens. Au 3e étage de la bâtisse, une vingtaine de personnes, invitées, attendaient dans le couloir, devant la salle de délibération. Ici, l'ambiance est plutôt joyeuse. On se racontait des blagues entre amis, mais on renvoyait dos à dos les élus Flnistes qui font la pluie et le beau temps dans la vieille ville d'Alger depuis au moins l'installation de l'actuelle assemblée. Parmi les invités se trouvaient quelques employés communaux ainsi que des responsables du mouvement associatif. Un monde conscient des enjeux, mais réagissant dans le calme. Au même moment, M. Méziane était en conclave avec des élus au 2e, dans le bureau du secrétariat général. A 14h20, les conclavistes gagnèrent la salle des délibérations. La cérémonie est publique, comme le stipule le code de la commune, mais les invités n'ont pas été autorisés à assister à la cérémonie. Surprise totale et appréhension dans les couloirs : la délégation n'est entrée à la salle que pour en ressortir aussitôt. «C'est reporté !, il faut attendre 2012 !», lançaient des élus à l'adresse de l'assistance. La réunion a abouti au statu quo. Le successeur de Ztéli ne sera pas connu ce jour-là. A l'extérieur, de nouveau les youyous. Les partisans de l'ex-P/APC se sont aussitôt redirigés vers les locaux de la kasma, très probablement pour la fête. Mais que s'est-il passé entre le wali délégué et les élus dans leur conclave à huis clos ? «Le wali délégué doit appliquer la loi» Les 15 membres de l'APC ont été initialement convoqués à la cérémonie pour la désignation du président «conformément à l'article 51 du code de la commune», précise Farid Boussahia au Temps d'Algérie. Au final, le wali délégué n'a traité qu'avec les huit membres issus du FLN qui constituent la majorité à l'assemblée et qui sont justement derrière le blocage qui perdure depuis 30 mois. Au lieu de procéder à l'installation du président d'APC, suivant l'article 51, M. Méziane s'est référé au contenu de l'article 48 du même code. Le fond de la question, c'est que les autorités appliquent cette loi dans sa version française et non arabe qui est pourtant la langue officielle. De plus, la traduction faite de l'article 51 est telle, que les contenus diffèrent d'une version à une autre. Dans le texte en arabe, il est clairement dit : «L'assemblée populaire communale remplace le président décédé, démissionnaire, exclu, démis de ses fonctions, par un des membres de sa liste.» En vertu de cet article, c'est M. Boussahia qui est fondé à être le remplaçant du président démis de ses fonctions par un vote de défiance, à plus forte raison qu'il est soutenu par la majorité. Au lieu de cela, le wali délégué s'est référé à la version française du même article qui stipule que «le président décédé, démissionnaire, exclu, démis de ses fonctions est remplacé par un des membres de sa liste», pour aller chercher la solution dans la maison FLN. «Le wali délégué doit appliquer la loi», affirme à juste titre M. Boussahia. «Je suis disposé à relancer l'assemblée en 24 heures», s'engage-t-il. A se fier aux dispositions du code de la commune, le nouveau P/APC doit être désigné dans un délai de 30 jours à compter de la constatation de la vacance du poste. L'APC de la Casbah fonce donc dans l'inconnu à partir d'aujourd'hui.