Moins d'une semaine après le déploiement d'un système de défense antimissile américain en Pologne et pour lequel des explications ont été exigées par la Fédération de Russie, le Kremlin vient d'apprendre une très bonne nouvelle. L'Ukraine renonce à entrer dans l'Otan. Plus aucun doute sur les intentions du nouveau président Viktor Ianoukovitch qui, depuis son élection en février dernier, n'a cessé de mener une politique de rapprochement accéléré avec le grand frère russe. Le gouvernement pro-russe de Kiev sera-t-il le premier à mettre un terme à l'expansionnisme tant décrié de l'Alliance atlantique ? Alors que les Vingt-Six s'attendent à ce que des pays des Balkans traduisent leurs ambitions à adhérer sur le terrain, le vote du parlement ukrainien est un coup dur pour l'organisation à laquelle le Danois, Anders Fogh Rasmussen, tente d'injecter du sang neuf. Parti en mai dernier à Sofia afin de promouvoir le projet de bouclier antimissile US en Europe, le ralliement de l'Ukraine à la Fédération de Russie va certainement lui saper le moral. Au point que le nouveau concept stratégique de l'Alliance atlantique, qu'il était venu exposer au même moment en Bulgarie, soit profondément chamboulé ? Déjà que la ratification par les parlements russe et ukrainien de l'accord sur le stationnement de la flotte russe à Sébastopol, qui n'a pas du tout été appréciée par le gouvernement de Washington, a jeté le trouble au sein de l'Alliance. Désormais, le «déséquilibre démocratique», que les Euro-Américains avaient appuyé à distance durant le mandat de W. Bush, fait partie de l'histoire ancienne. L'opposition ukrainienne, issue de la révolution ratée des orangistes, peut toujours critiquer la politique pro-russe de l'actuel gouvernement de Kiev mais cela ne devra rien changer à la donne, imposée en douce par les autorités de Moscou. Une ex-République soviétique qui revient dans le giron de la Fédération de Russie est la bienvenue. Surtout que les «désaccords énergétiques» entre les deux pays ne font plus l'actualité. Ce qui, certes, soulage l'Europe qui a tant espéré que l'Ukraine ne lui tourne pas le dos si rapidement. La désillusion n'est pas grande que sur le vieux continent. L'Amérique d'Obama doit également d'être déçue par le tournant pris au lendemain du retour des « Bleus» d'Ianoukovitch au pouvoir. Si l'accord russo-américain sur la limitation des armes stratégiques a fait que le printemps soit plus beau à Prague, la décision de l'Ukraine de ne pas adhérer à l'Otan devrait remettre du piment dans les relations entre les deux puissances. Ce, malgré les dernières assurances fournies par le président Obama à propos du partenariat américano-russe dans la gestion des affaires du monde. Le multilatéralisme sur lequel les Etats-Unis insistent à présent va-t-il survivre aux tiraillements non déclarés que se livrent les deux géants par pays interposés ? Au premier abord, la main tendue de Barack Obama ne servirait qu'à serrer celle du président Medvedev. Au-delà de quelques affinités, tout ou presque sépare les deux hommes. D'Afghanistan à l'Irak, en passant par les eaux pourpres de Ghaza, leurs visions sont complètement différentes au point de provoquer un antagonisme aigu. L'Ukraine va l'attiser davantage, à en croire que les cendres de la guerre froide ne sont pas si froides.