La tension est à son summum entre Européens et Américains, d'une part, et Russes, d'autre part, sur l'avenir du Kosovo. Le Premier ministre portugais, José Socrates, président en exercice du Conseil européen, et le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, ont accueilli, vendredi à Lisbonne, le président russe Vladimir Poutine pour le traditionnel sommet semestriel UE-Russie. La rencontre de Lisbonne est, cette fois-ci, particulière tant elle intervient dans un contexte international qui se prête à tous les risques. La tension est à son summum entre Européens et Américains d'une part, et Russes, d'autre part, sur l'avenir du Kosovo dont le sort sera décidé à la fin de cette année; sur la question du nucléaire iranien; sur le projet de bouclier antimissile américain en Europe, ainsi que sur le volet commercial, dont celui relatif à l'énergie. Malgré tant de différends, les Européens font croire à une issue positive du sommet. Deux raisons à cela: l'évolution de la situation politique en Pologne et le départ de Poutine du Kremlin en mars 2008. En effet, l'arrivée au pouvoir en Pologne, à l'issue des législatives de dimanche dernier, des démocrates de la Plate-forme civique (PO), conduite par Donald Tusk, lèvera le veto polonais sur bien des chapitres commerciaux avec la Russie, dont celui de la viande. Il n'est pas, par ailleurs, erroné de lier l'annonce par le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, la semaine dernière à Prague (Tchéquie), de retarder l'installation du bouclier antimissile américain en Europe au changement de pouvoir en Pologne (celle-ci prévue pour le site des rampes de missiles). Motif supplémentaire pour les Européens de croire à un fléchissement des positions de Vladimir Poutine sur beaucoup de sujets. C'est pourquoi les responsables européens ont multiplié les déclarations optimistes. «Nous allons concentrer nos efforts sur les dossiers sur lesquels nous pouvons avancer», a expliqué Mme Bénita Ferrero Waldner, la Commissaire européenne aux relations extérieures. Comprenez par là que l'UE compte régler le dossier prioritaire qu'elle négocie avec la Russie, celui de l'énergie, arracher, par un nouvel accord, un maximum de garanties pour l'approvisionnement de l'UE en gaz. Dépendante de plus de 25% du gaz russe, l'UE n'a pas oublié les effets de la crise entre l'Ukraine et la Russie durant l'hiver 2005-2006. Au plan interne, l'UE a décidé la semaine dernière de l'installation d'un système d'alerte précoce en cas d'interruption de fourniture de gaz, qui montre bien la «confiance» placée dans le partenariat avec la Russie. C'est dire combien, derrière les déclarations de bonnes intentions, voire les accords de principe, bien des doutes et calculs baignent sur les relations russo-européennes. Conscient de la situation, Vladimir Poutine ne manquera pas de rappeler aux Européens leur discrimination des entreprises russes (et autres pays comme l'Algérie) sur le marché européen, tel celui de la distribution de l'énergie. A telle enseigne que la loi européenne dans ce domaine précis porte une clause appelée «clause anti-Gazprom», visant donc nommément l'entreprise russe. Une telle «ségrégation» commerciale cadre mal avec les intentions déclarées de l'UE de soutenir la Russie dans son accession à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), autre sujet à l'ordre du jour de ce sommet. Là-dessus, Vladimir Poutine rappellera aux Européens qu'ils sont présents dans son pays avec un niveau d'investissement estimé à plus de 32 milliards d'euros, contre quelque 9 milliards d'euros pour les Russes en Europe. Dans ces conditions, la balle est dans le camp des Européens, tant et si bien que c'est l'UE qui appelle à l'ouverture des marchés nationaux à la concurrence. Face à de tels différends, les Européens ont annoncé qu'il faut attendre le prochain sommet de mai 2008 pour voir plus clair. D'ici là, Poutine ne sera plus au Kremlin, pensent-ils.