Le recours à la grève semble inévitable au sein de certaines grandes entreprises algériennes. Tel est le cas au niveau du complexe sidérurgique d'El Hadjar. Après avoir épuisé toutes les voies du dialogue et à défaut de trouver un compromis autour de la revalorisation des salaires, les travailleurs finissent par opter pour un mouvement de grève illimité. Dans cet entretien, Salah Mouhoubi, docteur en économie et en sciences politiques, nous éclaire sur l'importance de l'intervention de l'Etat dans ce genre de situation. Le Temps d'Algérie : Pourquoi certaines compagnies refusent-elles d'appliquer les augmentations de salaires décidées par la dernière tripartite ? Salah Mouhoubi : Les entreprises sont libres de déterminer elles-mêmes la politique salariale. Il est clair que cette dernière doit être basée sur des critères objectifs en fonction de la progression du chiffre d'affaires, du bénéfice et de la productivité. Si ces conditions sont réunies, la société étrangère à travers les représentants du personnel est en mesure de discuter une augmentation des salaires. Toutefois, il ne faut pas oublier que la conjoncture actuelle n'est pas excellente en raison de la crise économique. Donc, les sociétés étrangères sont réticentes quant à une éventuelle revalorisation des salaires. Il faut souligner aussi que les pouvoirs publics algériens juridiquement ne peuvent pas leur imposer une quelconque réévaluation des salaires, autrement cela serait une intrusion dans leur stratégie de gestion. Les mouvements de grève ont touché principalement les entreprises rachetées par des opérateurs étrangers, comment expliquez-vous cela ? Je pense qu'il s'agit d'une simple coïncidence. Il me semble que les entreprises étrangères qui ont racheté des usines algériennes l'ont fait à travers un cahier des charges bien déterminé. Il se trouve que les entreprises algériennes rachetées se trouvaient dans une mauvaise situation financière. Il fallait donc trouver une solution de redressement. A mon avis, il ne faut pas établir un lien, bien au contraire, il est indispensable d'analyser la situation de chaque entreprise. Les sociétés étrangères se sont installées en Algérie parce qu'il y avait des opportunités d'affaires qu'il fallait tout simplement saisir. Il faut savoir qu'il est possible de demander à une entreprise étrangère de préserver le personnel, mais on ne peut en aucun l'obliger à revoir les salaires. Comment le gouvernement peut-il donc intervenir ? Tout d'abord, il ne faut pas confondre dans une économie de marché un rôle régulateur de l'Etat et son intervention. A titre d'exemple, les décisions prises dans le cadre de la LFC 2009 s'appliquent certes à toutes les entreprises, mais les pouvoirs publics ne peuvent pas s'ingérer dans la gestion interne des entreprises qu'elles soient nationales ou étrangères, publiques ou privées. Ceci dit, leur imposer des augmentations de salaires n'est pas une démarche légale. Autrement, cela pourrait dissuader d'autres entreprises qui souhaiteraient s'installer en Algérie. Les pouvoirs publics doivent veiller à ce que le dialogue social dans une économie de marché entre les employeurs et les syndicats se fasse dans les règles de l'art, dans un cadre rationnel. Par contre, l'Etat peut intervenir pour imposer le salaire minimum d'un travailleur. Ne pensez-vous pas que l'intégration de l'économie algérienne dans la mondialisation n'est pas finalement à l'avantage du pays ? Il faut dire que la mondialisation est devenue un processus universel. Nous sommes en train de faire notre apprentissage en matière d'insertion dans la mondialisation. Il faut donc qu'on accepte les avantages et les inconvénients. Il faut voir le bon côté des choses. Grâce à cette mondialisation, l'Algérie a pu attirer les investissements directs étrangers potentiels. Propos recueillis