Officines, cliniques privées et pharmacies des hôpitaux, toutes ces structures souffrent de la rareté du médicament, une pénurie qui n'a que trop duré. «Depuis plus de deux mois, je n'ai pas vu de corticoïdes dans mon officine et les clients refusent le générique», fulmine Mme Ouarda, pharmacienne à Alger. Nombre de malades ont constaté un manque flagrant de médicaments, notamment contre les maladies chroniques, comme la tension artérielle, le diabète et, plus grave, le cancer. Djalil, vendeur en pharmacie, souligne que les officines sont au bout de l'asphyxie. «A chaque fois qu'on appelle nos fournisseurs, une seule phrase résonne au bout du fil : désolé monsieur, nous n'avons pas ce médicament, il y a rupture de stock.» Le jeune vendeur a ajouté avoir déjà connu ce genre de manque «mais jamais d'une telle ampleur». «Cette fois-ci, même les médicaments les plus élémentaires, à l'image du paracétamol, se font rares», explique-t-il, ajoutant que selon les fournisseurs, qui sont pour la plupart des importateurs, le problème relève des clauses de la loi de finances complémentaire de 2009 qui a détruit toute l'économie et qui est jugée comme étant un échec total, car l'Etat n'a pas les moyens de sa politique». Il est rejoint dans son point de vue par Brahim, pharmacien «à trois ans seulement de la retraite». Selon ce dernier, «les pouvoirs publics veulent bloquer tout ce qui est étranger, mais ils se leurrent, car nous n'avons pas les moyens de produire seuls nos médicaments ni sur le plan quantitatif ni sur le plan qualitatif». Sur ce point précis, les pharmaciens sont catégoriques : «La qualité des médicaments fabriqués en Algérie est loin de la norme universelle. Pour preuve, la plupart des médecins imposent à leurs patients de prendre des médicaments français», avoue Souad, préparatrice en pharmacie. Les malades chroniques sont dans une situation très délicate. Souad prend à témoin une vieille femme diabétique venue prendre son quota d'insuline. «J'ai été dans l'obligation de revoir mon diabétologue pour avoir un complément puisque l'insuline est en manque, j'ai diminué les unités à prendre mais je ne me sens pas bien», avoue la vieille femme.
Les patients refusent le générique A la pharmacie centrale de l'hôpital Mustapha d'Alger, les stocks s'épuisent à vue d'œil mais les étagères ne sont pas remplies à nouveau. «Nous faisons face à des patients parfois agressifs, ils ont raison, surtout quand il s'agit d'un médicament qui les tient en vie. Mais nous ne pouvons rien faire, le manque est enregistré sur l'ensemble du territoire national», affirme le pharmacien. Et d'ajouter : «Les plus pénalisés sont les cancéreux, nous avons une grave pénurie de médicaments pour ces malades qui repartent bredouilles.» Les services des moyens généraux de l'hôpital nous ont confié que «le manque est constaté même chez les importateurs qui sont pénalisés par la loi de finances complémentaire de 2009. Heureusement que les pouvoirs publics se sont rendu compte de la gravité de la situation et ils sont en train de revoir leur copie». Pour pallier ce manque de médicament, Ouarda la pharmacienne a innovée : elle envoie un de ses fils en France pour acheter des médicaments à certains de ses clients atteints de maladies chroniques. Elle avoue que «le prix est plus élevé, mais vu que les clients sont dans l'obligation de le prendre, ils achètent à n'importe quel prix. Les responsables de ce secteur ont fait de nous des trabendistes». Les cliniques privées et les cancéreux Les responsables des cliniques privées ont affiché leur mécontentement envers les pouvoirs publics qui, disent-ils, «nous accordent l'autorisation de pratiquer tout en nous privant des médicaments nécessaires, notamment ceux pour combattre les cancers». Mouloud, radiologue dans une clinique privée, estime que «le patient est le plus pénalisé dans toute cette histoire, car, de toutes les façons, les firmes étrangères sont incontournables, pour le moment, dans notre pays. La loi de finances complémentaire de 2009 est à l'origine de cette pénurie vu les obstacles rencontrés par les importateurs dans les opérations d'importation de médicaments. J'ajoute que le générique n'est pas efficace et puis, les patients le refusent quoi qu'on leur dise». Le manque de médicaments a affaibli les pharmacies, économiquement parlant, et de nombreux malades sont au bord de l'agonie. La seule solution, selon les spécialistes, est la réouverture du marché du médicament, estimant que «le pays n'a pas les moyens de sa politique», pour reprendre les propos d'un pharmacien.