La récente attaque du poste frontalier de Tinzaouatine, dans la zone la plus reculée de l'extrême sud-ouest algérien, et qui a fait 11 tués parmi les garde-frontières, est le fait de Al Qaïda pour le Maghreb islamique dont les réseaux sont implantés à environ 200 km en profondeur dans le nord du Mali, sur la route de Gao à Tombouctou. C'est vraisemblablement de là, dans cette région désertique au relief accidenté et inaccessible, que l'organisation terroriste commandée par Mokhtar Benmokhtar a tenté ce «coup» aux objectifs médiatiques évidents. Aqmi y a établi, depuis plusieurs années, ses bases d'où elle ne se livre essentiellement qu'à l'accompagnement des convois de trafiquants de drogue contre paiement, et surtout à l'enlèvement des étrangers de passage dans la région contre rançon. L'argent de la drogue et des otages sert au financement du trafic d'armes à destination du nord de l'Algérie. Les terroristes refusent le combat Jamais encore Aqmi n'a osé s'aventurer aussi près du territoire national depuis que sous la pression des forces spéciales de l'ANP, elle s'est réfugiée dans le désert du Sahel, la terre de personne, grand comme deux fois l'Algérie et s'étendant du nord malien à l'Atlantique. Pour les spécialistes du terrorisme, l'attaque du poste frontalier algérien est un acte isolé qui ne traduit en rien la capacité de mouvement et d'action des groupes de Benmokhtar qui auraient profité, cette fois, d'une baisse de garde dans le poste frontalier pour mener une action «spectaculaire». Un acte qui ne remet pas en cause non plus l'efficacité des éléments de l'armée algérienne face à ces groupes terroristes qui refusent le combat pour des actions ponctuelles contres les cibles les plus isolées. Le retrait forcé des groupes d'Aqmi dans cette zone inhospitalière est en soi la preuve que Benmokhtar a «déserté» le champ de bataille dans le sud algérien où il a tenté de s'établir durablement dans les années 90. Ses éléments se sont distingués par les prises d'otages, des groupes allemands et autrichiens au début des années 2000, puis par des enlèvements d'étrangers plus fréquemment ces derniers temps, une affaire financière qui s'évalue à coups de millions de dollars versés par les pays d'origine des otages, à la manière des trafiquants en tout genre qui prolifèrent dans la région sahélo-saharienne dans la confrontation avec les forces armées algériennes. La pression des forces de l'ANP Ces derniers temps, la pression militaire algérienne s'est accentuée sur les bases de retranchement et les itinéraires habituels des terroristes qui sont équipés, selon des témoignages recueillis sur place, d'un matériel militaire plus lourd et plus moderne que celui dont disposent les armées subsahariennes. Le soutien logistique de l'ANP, depuis 2008, aux opérations lancées par l'armée malienne contre des bases d'Aqmi dans le nord de ce pays voisin, s'est avéré fécond. Du moins à travers la discrétion observée dans ses mouvements par l'organisation de Benmokhtar qui a entrepris, selon des sources sécuritaires sur place, de construire de véritables bunkers pour se protéger d'éventuelles attaques que le récent Comité militaire conjoint des trois armées de la région (Algérie, Mali, Niger) qui a vu le jour et dont le siège est à Tamanrasset, envisage de lancer pour déloger l'organisation de Benmokhtar de la région de Kidal. La naissance de cette structure miliaire, la première du genre, a été possible depuis la tenue de la conférence des sept pays sahélo-sahariens (Algérie, Libye, Tchad, Mali, Niger, Burkina Faso et Mauritanie) en mars denier à Alger. Il est possible que Benmokhtar ait tenté, comme le font généralement les organisations terroristes acculées à la défensive, cet attentat meurtrier pour signer son «existence sur le terrain», ce qui est, de l'avis des experts, loin d'être convaincant. Tentative d'implantation au Nigeria La pression militaire exercée sur ses bases arrière au Mali a contraint Aqmi à chercher des bases plus en profondeur, plus au sud encore, vers le nord du Nigeria, le pays le plus peuplé d'Afrique avec 150 millions d'habitantsn et aux richesses pétrolières immenses où, critère fondamental, vit une importante communauté musulmane. C'est dans ce pays où les conflits ethniques sont fréquents que l'organisation terroriste tente actuellement de s'implanter. Pour s'assurer la sympathie des populations, les hommes de Benmokhtar choisissent toujours les localités les plus pauvres pour proposer de l'aide aux «intégristes nigérians» avec l'argent des rançons et du trafic de drogue. Selon des experts, cette organisation terroriste dont les chefs sont des Algériens de l'ex-GSPC et dont la majorité des éléments appartiennent à divers pays de la région n'est pas en mesure d'élargir plus loin le réseau de ses cellules «en raison de son rejet par le monde musulman». La tâche n'est pas facile pour Benmokhtar et ses hommes pour s'assurer des populations locales du Nigeria qui, à la différence du Mali et du Niger, a une armée puissante. Les terroristes connus des services algériens Le plus gros du travail contre les bases subsahariennes d'Al Qaïda, c'est l'Algérie qui le fait. Ce sont les services de renseignements algériens qui connaissent le mieux les membres et les méthodes d'Aqmi. Ils sont parvenus, malgré la difficulté sur terrain, à identifier 108 terroristes qui opèrent dans le Sahel dont ils ont établi une première liste qui se compose de 34 mauritaniens, 21 algériens, 21 maliens et 14 nigérians. La capacité de ces groupes dont le nombre exact reste inconnu se limite, pour le moment, outre aux prises d'otages et au trafic de drogue et d'armes, au travail d'endoctrinement en terrain «fertile» et rarement à des attaques contre les postes frontaliers les plus éloignés comme celui de Tinzaouatine.