La fragilité du gouvernement de Tel-Aviv s'est révélée au grand jour. Le réaliste chef de la diplomatie israélienne, qui ne croit pas en la création d'un Etat palestinien d'ici à 2012, a exhibé ses muscles d'ancien vigile devant Benjamin Netanyahu. Avigdor Lieberman n'a pas supporté le fait de n'avoir pas été mis au parfum, à propos d'une réunion secrète turco-israélienne. Après courte réflexion et se rendant compte de sa bourde, «Bibi» s'est dépêché de calmer le grand gaillard, sans aller jusqu'à se fondre en excuses. A présent que la Turquie reçoit l'Etat hébreu deux ou trois fois sur cinq, Lieberman mettra-t-il ses rancunes de côté, au nom de la raison d'Etat ? Il devrait déployer des efforts pour que les relations entre Tel-Aviv et Ankara retrouvent un peu de tonus. Cependant, il est indispensable que l'administration Erdogan le sache, Israël ne présentera pas d'excuses au sujet de l'assaut de son armée contre la flottille de la Liberté pour Ghaza. A défaut de pardon officiel, qui obligerait l'Etat hébreu à reconnaître ses crimes, le cabinet israélien est-il disposé à indemniser les familles des humanitaires tués durant l'attaque de l'armée de Barak ? Il se pourrait qu'il cède si les menaces du ministre turc des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, fermeture totale de l'espace aérien à l'aviation israélienne, se confirment. Sans entrer dans le détail, Netanyahu est parti droit à l'essentiel, la détérioration des relations turco-israéliennes doit cesser. Autrement dit, l'Etat hébreu ne peut pas se passer d'un pareil allié stratégique. Même si celui-ci continue de soutenir l'Iran et la Syrie, au risque de se détourner définitivement d'Israël si les bruits de bottes au Sud-Liban viennent à s'intensifier ? A ce jeu du chat et de la souris, la Turquie a choisi d'insister sur un autre fait. Le Président Abdullah Gül a nié en bloc les allégations selon lesquelles la Turquie serait en train de tourner le dos aux puissances occidentales au profit du monde islamique. Sa déclaration tiendrait la route, ne serait-ce que pour les semaines, voire les mois à venir, le gouvernement d'Ankara ne peut prétendre à un tel éloignement, sa guerre contre les indépendantistes du Kurdistan dépend étroitement de l'Occident. Ce, malgré le regrettable épisode qui a fait fulminer les autorités d'Ankara. Repéré par un satellite US, le mouvement de troupes rebelles kurdes ayant été présenté comme étant celui de contrebandiers. Toujours est-il que la Turquie ne semble pas en mesure de prendre ses distances vis-à-vis de l'Otan qui a confirmé la poursuite, en l'état, de sa stratégie en Afghanistan et le maintien de sa porte grande ouverte à l'adhésion de l'Ukraine. Voulant à tout prix sortir victorieuse contre le séparatisme kurde, – elle n'hésite pas à bombarder ses foyers en territoire irakien –, la Turquie d'Erdogan reviendra-t-elle vers de meilleurs sentiments envers l'Etat hébreu dont la capacité de nuisance n'est plus à prouver ? Au nom de sa sécurité, il actionnera pour moins que cela ses relais aussi bien aux Etats-Unis qu'en Europe. Comme remettre au goût du jour la question du massacre des Arméniens. Quant à l'hypothétique adhésion de la Turquie à l'UE, ce sera une toute autre histoire.