L'«affaire Oréal», qui vient ternir un peu plus l'image du président Sarkozy, déjà immergé dans un flot d'affaires obscures en tout genre, confirme cette certitude. La question des origines des fonds avec lesquels la plupart des candidats présidentiables se font élire restera, toujours, un grand mystère pour les électeurs des démocraties «au-dessus de tout soupçon». Les pauvres électeurs qui croient naïvement s'être donné le meilleur Président du moment se rendent, souvent, compte, parfois très vite même, qu'ils ont choisi en fait le plus riche ou l'ami des plus riches. Parfois un ripou. Beaucoup d'hommes d'Etat se font rattraper, comme c'est le cas de Nicolas Sarkozy, par un passé pas toujours propre qui donne une autre image que celle que le candidat a voulu donner de soi-même en campagne préélectorale. Les Français ont vite découvert, par désenchantement, au lendemain des élections de 2007, que le nouveau et brillant président de l'UMP fraîchement installé à l'Elysée est loin de cette image que l'on se faisait de lui. Personne n'avait le moindre doute que ce fils d'immigrés polonais bombardé aux plus hautes fonctions de la plus vieille démocratie n'avait pas que le péché mignon de céder aux charmes des dames et de ne pas se refuser quelques plaisirs de la vie. La majorité de ses compatriotes peuvent comprendre ce côté faible, chez l'homme, pour un certain confort. Pas lorsque la vie privée ne cadre pas avec la chose publique. On est d'ailleurs loin ici de l'image sacralisée dosée d'un soupçon d'ascétisme, même de façade, qu'un Président doit renvoyer de lui-même à ses compatriotes. Cette image-là c'est le cadet des soucis de Nicolas Sarkozy qui ira fêter sa victoire à la présidence de la République avec sa première épouse, Cécilia, au large de l'île de Malte, mais au frais de l'un des hommes les plus riches et les plus controversés de France qui a mis à sa disposition son jet et son navire privés. Histoire de voir le jeune Président renvoyer un jour l'ascenseur. Les Français ont commencé à se poser alors des questions sur eux-mêmes. Certains ont commencé à se mordre les doigts lorsqu'ils ont vu leur Président faire si peu cas du principe que «la chose publique et les goûts tapageurs ne font pas bon ménage». Ils ne tarderont pas à avoir la certitude d'avoir été roulés dans la farine par la jeune star politique qui leur fera un pied de nez peu de temps plus tard depuis les rives du Nil où il convoyait en justes noces avec Carla Bruni. De la vie privée à la vie publique et inversement, la ligne est droite. Les citoyens français ne vont pas tarder non plus à s'apercevoir que la démocratie française, sous Sarkozy, ressemble par bien des aspects aux républiques bananières qu'elle dénonce. Depuis l'affaire des diamants gracieusement offerts par l'empereur Jean Bedel Bokassa à Mme Giscard d'Estaing, les affaires de corruption sont régulièrement révélées par les médias aux citoyens français qui cherchent, actuellement, un remplaçant à Nicolas Sarkozy. Le scandale de l'«affaire Oréal» ne fait certes que commencer mais il a fini par démoraliser les plus psychologiquement armés qui ont commencé à s'interroger sur les chances de ce pays de pouvoir affronter, dans ces conditions, une crise financière que Sarko veut résoudre non pas en prenant l'argent au riches (chez les amis) pour réduire le déficit public, mais par l'allongement de l'âge du départ à la retraite. Les preuves que la riche veuve Bettencourt a généreusement graissé la patte de Nicolas Sarkozy depuis qu'il était encore mais de Neuilly, dans les années 80, puis carrément gonflé les caisses de son parti, l'UMP, pour le propulser à la place de Chirac, ne sont pas que des calomnies. La secrétaire de la patronne de l'Oréal a révélé des détails troublants sur les montants et l'identité du bénéficiaire de ces générosités. 150 000 euros est peut-être une somme dérisoire comparée au train de vie du président français mais c'est vingt fois plus que ce qu'autorise la loi sur le financement des partis. Pour les Français ce n'est pas une simple affaire d'arithmétique mais de principes, même si une enquête sur cette scandaleuse affaire de «pot-de-vin» et de «corruption», s'il faut appeler les choses par leur nom, offrira de quoi faire les beaux jours des médias. Nicolas Sarko a eu tort de prononcer, hier, le mot qu'il ne fallait pas en invitant ses compatriotes à penser à plus important, «la retraite», qu'à cette «horrible calomnie» de la secrétaire de Bettancourt, l'épouse de l'un ses ministres. Justement c'est à force de penser à la retraite à 62 ans que les Français ont perdu le sommeil.