Sous sa forme de majorité présidentielle créée entre les deux tours de l'élection du printemps dernier qui avait scellé la bérézina de la gauche, I'UMP est morte. Elle réapparaît sous le projet d'un mouvement populaire qui devient le premier parti de la droite et du centre jamais créé en France. L'Union pour le mouvement populaire a donc signé, dimanche dernier au Bourget, son acte de naissance et élu Alain Juppé à sa présidence pour deux ans. Environ 24 000 personnes, d'après un décompte de l'UMP, ont assisté, au Parc des expositions du Bourget, au congrès fondateur de leur parti, qui rassemble les Gaullistes du RPR — créé par Jacques Chirac en 1976 —, les libéraux de démocratie libérale et une grande partie des centristes de l'UDF. Jacques Chirac a envoyé un message pour dire que créer l'UMP, “c'est réaliser, enfin, un rêve esquissé”. Les militants — 164 500 en tout recensés par l'UMP — avaient été invités à voter par Internet pour élire leur président, choisir un nouveau nom et un logo. Seuls 47 621 militants se sont exprimés, soit 28,94% des inscrits. Sans surprise, Alain Juppé a été élu à la présidence avec 79,42% des voix. Parmi les autres candidats à la présidence de l'Union, les Algériens Rachid Kaci et Mourad Ghazli, qui ont recueilli respectivement 3,17% des suffrages (1 510 voix) et 0,8% (382 voix). Outre le nouveau nom de baptème de leur parti, les militants ont choisi un logo (un chêne blanc sur fond de drapeau rouge et bleu), adopté la charte des valeurs, les statuts et le règlement intérieur de leur parti. Tous les ténors de la majorité avaient fait le déplacement au Bourget, même si Edouard Balladur n'est resté qu'une demi-heure. Jean-Pierre Raffarin a fait un discours enflammé. “L'union, c'est le grand espoir des victoires futures”, a-t-il dit. Nicolas Sarkozy s'est payé une entrée de star, avec acclamations du public, mais au baromètre de la popularité, c'est Bernadette Chirac qui a, encore une fois, battu tout le monde en se faisant ovationner debout pendant de longues minutes. Avec la création de ce parti, la droite et le centre font le pari d'une union durable pour gouverner et conserver le pouvoir. Cette naissance d'une grande formation consacre la vraie mort du mouvement gaulliste. Avec I'UMP, qui se donne pour modèle le Parti populaire espagnol (PP) de José Maria Aznar, la France semble avancer à grands pas vers le bipartisme, le PS étant désormais directement confronté à la question d'une grande formation unifiée à gauche. Mais cette union de la droite, imposée entre les deux tours de l'élection présidentielle par Jacques Chirac et cornaquée par Alain Juppé et Jérôme Monod, conseiller du président de la République, n'est pas exempte d'arrière-pensées électorales dans la perspective de l'après-Chirac. L'opposition entre Alain Juppé, élu dimanche président de l'UMP, et le ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, le plus populaire des membres du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, alimente toutes les spéculations. Officiellement, les deux présidentiables ont insisté sur leur volonté de ne pas déclencher avant l'heure les hostilités pour 2007. Nicolas Sarkozy soutenait, d'ailleurs, la candidature à la tête de l'UMP d'Alain Juppé qui a rendu hommage à son “énergie dans le domaine-clé de la sécurité”. La création de I'UMP est un succès pour Jacques Chirac qui dispose à ses côtés d'une formation très structurée pour les cinq ans à venir. Le “défi” de l'UMP est maintenant de devenir “un véritable laboratoire d'idées politiques”, a estimé le président des députés UMP, Jacques Barrot. À gauche, où les contrecoups de la déroute jospinienne sont loin d'être surmontés, on s'est gaussé sur les supposées “faiblesses” de l'UMP, liées aux rivalités internes entre les leaders du nouveau grand parti de droite. Pour François Hollande, “I'UMP a été un produit de l'élection présidentielle de 2002 et il n'est pas sûr qu'elle sera en capacité de préparer 2007”. Le député-maire de Tulle (Corrèze) a dit sentir, notamment lors du congrès fondateur du Bourget, “les ambitions poindre, les querelles s'organiser et les rivalités affleurer” entre les dirigeants de droite. Le sémillant député Arnaud Montebourg n'a pas manqué d'ironie aussi. Il ne voit dans l'UMP que le “dernier syndicat pour organiser la survie du système moribond” de la Ve République, le “brancardier du grabataire”. C'est “le dernier instrument par lequel ils croient sauver ce régime en discrédit”, a-t-il estimé. Certes, mais à gauche aussi, on rêve d'un grand parti en mesure de reconquérir la gloire perdue. A. O.