Décidément un malheur n'arrive jamais seul. Au moment où le président Hamid Karzai annonçait la mort de cinquante civils dans un raid aérien de l'Otan, une nouvelle bavure que la coalition tarde à confirmer ou à infirmer, les Etats-Unis font certainement face à la plus grande fuite de son histoire. Rien à voir avec le terrorisme écologique, pratiqué à outrance dans le Golfe du Mexique. Il s'agit d'une toute autre fuite, pas moins de quatre- vingt-dix mille documents, concernant la guerre d'Afghanistan, ont perdu leur sceau de secret défense. Au bonheur des médias américains qui vont continuer à s'adonner à cœur joie, au fil des révélations qui se succéderont sans pour autant se ressembler. La première qui a fait sensation reste sûrement celle par laquelle le scandale est en train de prendre une ampleur internationale. Selon un document top secret, il y aurait eu par le passé des contacts entre le gouvernement d'Islamabad et les talibans du Pakistan. Chose que la République islamique s'est dépêchée de démentir, l'information pouvant jeter tout le discrédit sur son armée qui a donné gage à Washington quant à l'éradication en cours du mouvement taliban local. Pas plus tard que la semaine dernière, la patronne du Département d'Etat US était arrivée avec des dollars plein les valises pour que son allié pakistanais puisse mener sa guerre sans se soucier des retombées économiques qui pourraient en découler. Face aux dégâts collatéraux de cette fuite géante, l'administration Obama va-t-elle vite retrouver ses esprits avant de commencer à enquêter sur l'origine de cette débandade sans précédent ? La Maison-Blanche pondra-t-elle un texte contraignant qui obligerait l'ensemble des médias à cesser d'inclure toutes les informations échappées des coffres forts de l'Etat sous peine d'être condamnés à des fortes amendes, voire d'être traînés devant la justice pour atteinte à la sûreté nationale ? Ce qui est certain, la fuite de dizaines de milliers de documents n'est pas le fruit d'un miracle. Elle tombe plutôt mal pour l'Amérique en particulier alors qu'au sein même de l'administration US, les débats vont bon train sur l'opportunité de la présence américaine en Afghanistan. Si ce n'était que cela. En plus de colmater les brèches, Washington et ses alliés vont devoir éclaircir l'histoire sanguinaire d'un raid contre des civils que le gouvernement de Kaboul n'a pas hésité à dévoiler au grand jour. Quitte à rouvrir le chapitre des mésententes passées avec l'Amérique d'Obama qui n'avait pas apprécié que le «roi-ami» Karzai lui tire dessus au lendemain d'élections générales qui avaient démontré les limites de la démocratisation à l'occidentale. Va-t-on assister à un énième round entre Washington et Kaboul que désormais davantage de points de vue séparent ? L'administration Obama va devoir marcher sur des œufs sans en casser un d'autant que le Congrès ne semble plus disposer à signer des chèques à chaque fois qu'une demande de rallonge budgétaire, au nom de la stabilisation politico-sécuritaire en Afghanistan, est expédiée à l'adresse du Capitole. En attendant le prochain sondage de l'opinion publique US au sujet de la poursuite de l'engagement militaire américain en Afghanistan, le Pentagone s'est déclaré épris de volonté à démasquer en urgence la personne ou le groupe qui a balancé sciemment de telles informations secrètes sur le site WikiLeaks. Il faut absolument stopper la diffusion de nouvelles informations qui ne ferait que fragiliser l'actuelle démarche du gouvernement Obama. Lui qui s'est retrouvé «embarqué» dans une guerre qu'il a soutenue depuis les rangs de l'opposition. Et si finalement cette fuite géante était bénite pour des démocrates US qui ne veulent surtout pas être désignés comme étant les responsables d'un futur échec militaire qui se profile en Afghanistan ? Enquête à suivre.