David Cameron, le successeur de Gordon Brown, est particulièrement furieux. Non pas contre le second dans la hiérarchie au 10, Downing Street. Celui-ci a tout à fait le dire de penser que l'invasion américano-britannique de l'Irak était illégitime. Ni contre le directeur général de BP qui vient d'être relevé de ses fonctions et muté en Sibérie avec 1 million d'euros en guise d'indemnités. Ce qui fait fulminer en ce moment le Premier ministre britannique est l'attitude que continue de faire preuve l'Union européenne au sujet de l'adhésion de la Turquie à l'UE. David Cameron la trouve vraiment injuste, les Turcs méritent beaucoup mieux que ce traitement inégal. Pour la simple raison que ce pays, membre de l'Otan, veille nuit et jour à défendre l'une des plus importantes «frontières» que compte l'espace géostratégique de l'organisation des vingt-six. Sauf que le tort revient aux Vingt-sept qui ne cessent de repousser aux calendes grecques l'intégration de la Turquie. Plus précisément, au moteur franco-allemand qui s'attache à l'idée d'un partenariat privilégié que le vieil empire ottoman croquerait à pleines dents. Car, à en croire le sage gouvernement de Berlin, la Turquie n'est pas encore assez mûre pour faire partie de l'UE, une union qui, pourtant, se recherche toujours, la distribution de postes clés n'ayant pas complètement effacé ses imperfections. Faisant suite à l'injonction de Barack Obama à ce propos - sa crainte était de voir son allié turc lui tourner le dos en raison d'un soutien US trop avantageux envers Israël -, la «colère» de David Cameron va-t-elle aider à l'ouverture d'un autre chapitre de négociations, le dernier en date étant été imposé par les pressions de l'Administration de Washington ? Pas si sûr, les Vingt-sept ne donnent pas la franche impression de vouloir passer aux «choses sérieuses» à court terme. Comme si que contrairement au couple américano-britannique, ils ne redoutaient pas que la Turquie se rapproche du monde islamique, la phobie qui a tracassé une partie de l'Occident après l'acte de piraterie de l'Etat hébreu en haute mer. A se demander ce qu'attend au juste l'Union européenne pour permettre une pleine et entière intégration de la Turquie au sein de son alliance qui admet parfois les thèses souverainistes quand les intérêts des pays dits grands sont menacés. S'attend-elle à ce que ce pays mille fois laïque respecte à la lettre les droits de l'homme et les droits des minorités, reconnaisse le génocide arménien et règle définitivement la question de l'indépendantisme kurde ? Parce que si l'Union européenne, chrétienne à la base, espère un départ du «parti islamiste» d'Erdogan du pouvoir, c'est plutôt raté. Du moins jusqu'aux prochains rendez-vous électoraux, la tentative de coup d'Etat des retraités de l'appareil militaire turc a été avortée et quelque 200 présumés putschistes attendent leur procès. N'est-il pas donc temps que la Turquie entre dans l'UE, ses loyaux services pour le compte de l'Otan et sa capacité à s'imposer en tant que médiateur dans le règlement du conflit au Proche-Orient prouvant toute sa bonne foi musulmane à apaiser le choc des civilisations qui oppose l'Orient à l'Occident ? David Cameron est convaincu que le temps est venu pour que la Turquie rejoigne les Vingt-sept. Faut pas tout de même trop rêver, ne devient pas membre de l'UE qui veut. Surtout quand ceux qui aspirent à le devenir s'acoquinent avec Téhéran et Damas et soutiennent ouvertement la résistance à l'occupant israélien.