La wilaya déléguée d'El Harrach a organisé le 7 août le relogement des 240 familles des chalets de Boubsila (Bourouba). Celles-ci ont été transférées vers le chantier des 240 logements de la même commune. Les appartements ne sont pas finis, la canalisation d'eau potable est défectueuse, le gaz n'existe pas et, pour boucler la boucle, un immense bidonville entoure le quartier ! La wilaya ne cesse d'étonner son monde à mesure qu'elle avance dans l'application du programme d'éradication progressive de l'habitat précaire, lancé en mars. A la mi-juillet, les autorités s'étaient déjà laissé commettre un acte lourd de conséquences, en évacuant les habitants de Sonatro, la Bouchraye et Fontaine fraîche, de la commune de Oued Koreiche, tout en abandonnant, dans des conditions dramatiques, pendant quatre jours, environ 200 familles dans un chantier aux Eucalyptus. Ce scenario catastrophe s'est vite retourné contre ses auteurs. Les familles exclues ont en partie regagné leur site d'origine, à Diar El Kef et la Bouchraye notamment. Elles y sont encore. Seulement, au lieu de se repentir, la wilaya a persisté dans cette manière d'agir. La preuve ? A Bourouba, 240 familles viennent d'être logées dans une cité encore en chantier. Une cité implantée dans un ravin Le directeur du logement de la wilaya a annoncé, vendredi 6 août, le relogement de 742 familles issues des chalets de Bordj El Bahri, Bordj El Kiffan, El Harrach et Bourouba. Le recasement a été organisé le lendemain. Contrairement aux précédentes opérations qui ont été entourées d'une grande publicité, celle-ci a été menée dans la discrétion. Le cabinet du wali a même privé les médias de son communiqué traditionnel en pareil cas. Quand bien même, tous les moyens disponibles ont été mobilisés. Le gros des familles, soit 502, a été orienté vers la cité des 1680 logements de Birtouta. Les 240 autres familles, toutes issues des chalets de Boubsila, à Bourouba, ont été transférées vers le chantier des 240 logements du chef-lieu de la même commune. La cité est située à Haï Saâdoun, à quelque 300 m plus bas que le siège central de l'APC, en empruntant une route à double voie en cours d'aménagement sur un oued et en passant devant la polyclinique Bourouba II, un stade de proximité et un commissariat. Le chantier se trouve dans un ravin. Il est né au pied d'une colline de remblai issu de l'élargissement de la route et d'autres terrassements dans les environs. «Il faut déblayer. Cette montagne de terre ne résistera pas à une forte chute de pluie. En cas d'éboulement, les habitants risquent de laisser leur vie», s'inquiète un voisin. Les concernés, eux, ne sont pas encore sensibles à ce danger : ils ont d'autres soucis plus urgents. La nostalgie des chalets Le chantier est constitué de dix bâtiments d'une consistance de R+5 et qui disposent d'appartements F2 et F3, répartis équitablement (120 unités pour chaque type), explique le représentant de l'OPGI de Dar El Beida qui supervise l'exécution des différentes tâches restantes. Sur les lieux, quatre jours après le relogement, c'est le désenchantement ! Les habitants sont confrontés aux travaux qu'il faut terminer. Ils sont unanimes à dénoncer la décision de la wilaya déléguée d'El Harrach, elle-même actionnée par la wilaya, de précipiter leur recasement. «Nous avons passé six ans dans les chalets de Boubsila, nous étions largement disposés à patienter encore pendant quelques mois, le temps que l'OPGI mette au point le site. Cette précipitation n'a pas d'explications. Le wali délégué voulait liquider notre cas», estime un résident du bâtiment A3. Les 240 familles logées ici occupaient les chalets à Boubsila depuis 2004. Des familles s'y étaient retrouvées suite à l'éradication du bidonville de Boumezar (Bourouba). D'autres représentent des personnes sinistrées, victimes du séisme de mai 2003. Les critères appliqués à affectation des appartements ont fait naître des situations défiant tout logique. Ainsi, des familles de quatre personnes sont relogées dans des appartements de trois pièces alors que d'autres, constituées de sept à neuf membres se disputent le moindre espace dans des F2. Les intéressés qualifient cette gestion de «deux politiques, deux mesures». Les locataires du rez-de-chaussée du bâtiment A4 sont les plus lésés. Une famille de sept personnes, dont une jeune fille, y occupe un F2. La maison est d'une incroyable exigüité, la cuisine n'offrant pas la possibilité d'y installer une table à manger. Rafik, 21 ans, est l'aîné. Il affirme : «Dans le chalet, nous étions mieux en ce qui concerne l'espace. Nous avions une grande chambre que nous avons compartimentée. Ici, je ne vois pas comment nous allons faire. A mon âge, je vais dormir avec ma sœur ?». Abdelkader, voisin de palier de Rafik, a un F2 lui aussi (9 personnes). Il demande un F4, voire le transfert vers un autre site. Les recours introduits sont d'habitude versés dans le registre de «la typologie du logement». La wilaya ne donne pas suite à ce genre de réclamations qu'en cas d'erreurs flagrantes dans le recensement. Mais, au chantier des 240 logements, il n'y a pas que la typologie qui pose problème. Des manques à la pelle ! L'OPGI annonce la couleur dès l'entrée du site où plusieurs ouvriers travaillent. «Nous sommes en train de nettoyer le réseau d'eau potable», explique le représentant de l'office. La tâche ne s'arrête pas au nettoyage des tuyaux. L'entrepreneur est en train de refaire une partie des installations. «Quand on a mis en service le réseau, l'eau a charrié tout ce qu'il y avait dans les canalisations comme boue et cailloux, provoquant des bouchons dans plusieurs points notamment au niveau des compteurs», ajoute-t-il. Dans le bâtiment A3, l'eau fuit de partout, à tous les étages. Là où il y a un coude, un branchement ou un compteur, il y a fuite d'eau. La situation est plus délicate au A4 où la canalisation traversant le rez-de-chaussée a explosé. Il faut donc la réinstaller. Ce bâtiment cumule tous les retards dans la construction. Dans les couloirs, on a stocké des matériaux. Les appartements sont livrés à moitié finis : des portes sans poignées, des fenêtres sans volets ou vitres, des cuisines sans potager et des murs sans badigeonnage. «Les bâtiments ont été achevés depuis une année. Les vols y étaient fréquents. Chaque fois qu'on installe quelque chose elle disparaît», nuance-t-on. Les habitants eux-mêmes sont accusés de saccage. «Lors du relogement, des familles logées dans des F2 ont tenté de squatter des F3. Quand elles y ont été chassées, elles ont tout emporté avec elles !», assure-t-on. Les accusés nient. L'alimentation ordinaire en eau potable et la finition des logements sont une question de jours. Les coupures électriques, fréquentes, peuvent disparaître après la fin de l'été. Que dire alors de l'absence de gaz de ville ? La canalisation n'existe même pas ! Le secrétaire général de la wilaya a beau promettre, en octobre 2009, devant les membres de l'APW, qu'aucune cité ne serait livrée si elle ne disposait pas de toutes les commodités (réseaux d'assainissement, d'eau potable, d'électricité et de gaz de ville…). Dans le cas de Bourouba, il n'en fut rien !