C'est ainsi, que les habitants du Yémen accueillent le ramadhan. Ce mois, les Yéménites le passent dans le jeûne, la prière et le rapprochement de notre Créateur, comme le font tous les peuples musulmans dans les quatre coins du monde. Durant le jour, le rythme de la vie est très lent. Dès l'approche du moment du ftour (rupture du jeûne), les gens s'orientent vers diverses directions : il y en a ceux qui rentrent chez eux et d'autres qui vont aux mosquées, où on trouve des tables garnies de nourriture offerte par des bienfaiteurs. Le ftour au Yémen consiste à prendre quelques dattes avec de l'eau ou du café au goût raffiné que les maîtresses de maison excellent à préparer. Après la prière du maghreb (coucher du soleil), les gens rentrent chez eux, où les attend le plat yéménite spécifique au ramadhan. Celui-ci comporte en entrée la shorba (soupe aux lentilles ou à l'avoine, soupe aux légumes), le réputé shafuut, un pain au yaourt, herbes et viandes, un délicieux plat, que la plupart des touristes qui ont visité le pays apprécient. Vient ensuite la sambousa : un mets à base de viandes et d'oignons ou encore Al fatta, délicieux dessert, pris en général en début de repas. Ce dessert est composé de pain, banane écrasée et miel. «L'Arabie heureuse ou Arabia Felix» C'est en ces termes que l'on appelait jadis le Yémen. Et c'est l'esprit qui revient durant le mois sacré. «A chaque coucher du soleil, la rupture du jeûne donne lieu à une fête familiale, une ambiance euphorique», tient à préciser Yahia Hani, jeune étudiant yéménite. Le Yémen, c'est aussi le pays de la reine de Saba. Pendant le mois sacré, ce pays retrouve ses habitudes d'antan : celles d'un monde bien différent, encore régi par des tribus aux traditions tenaces et complexes. Les mots d'ordre sont : hospitalité, simplicité et modestie. «Les Yéménites sont surtout réputés pour leur droiture et leur naturel», s'enorgueillit l'étudiant. Parmi l'une des plus fortes traditions locales, le port de la Jambia, sorte de poignard porté en bandoulière, souligne Hani. Selon ce dernier, «c'est l'une des spécificités locales des hommes et des garçons du pays». Cette tradition identitaire renvoie aux valeurs de virilité et d'honneur des hommes et des garçons. Dès leur bas âge, les chérubins yéménites sont initiés au port de la Jambia, mais… en bois. Pour exprimer leur bonheur, pendant les soirées, les fêtes et les moments forts de Ramadhan, les hommes sortent leur poignard de son étui et commencent à danser en brandissant les lames au-dessus de leur tête. Dans les administrations par exemple, les horaires de travail vont de 11 à 16 heures. L'activité diurne ne commence qu'en début d'après-midi après la prière. Le climat n'arrange pas non plus la situation. Il est presque partout désertique, très chaud et humide le long de la côte ouest. A l'est du pays, c'est le désert. Il fait très chaud et sec. Du coup, «le jour devient nuit et vice versa», précise Hani. D'autant plus que, poursuit-il, les échoppes et les souks restent ouverts jusqu'à l'aube. Au f'tour, les Yéménites se mettent par terre (Qaâda arabi). F'tour et dîner sont servis séparément. Après les dattes et le café pris léger et sans sucre, il faut faire sa prière du Maghreb avant de poursuivre son f'tour. Peu de temps après ce cérémonial, les Yéménites vaquent aux mosquées pour la prière d'Al Ichaa et les Tarawihs. Les dix dernières soirées du mois sont dédiées exclusivement aux prières (Al Qyame). Au Yémen, la religion est omniprésente dans tous les aspects de la vie sociale. «La Charia est la source de toutes les lois», précise Yahia. Normal, poursuit-il, Yémen est dérivé du mot «yamine» qui signifie «la droite». Les Yéménites tirent une grande fierté du fait que leur pays est situé à droite de La Mecque. Ce qui a une forte charge symbolique pour les fidèles qui s'orientent cinq fois par jour vers la Ville sainte lorsqu'ils prient. Au retour à la maison après les Tarawihs qui se poursuivent tard dans la nuit, le dîner est servi peu de temps après. Généralement, ce sont des soupes et des pot-au-feu traditionnels. Al Assid et la salta (soupe à base de viande épicée et soupe-sauce à base de légumes, de viande de mouton et surtout de fenugrec) sont particulièrement appréciés. Autre mets local prisé, le lahram Ranan : un plat à base de viande de chèvre cuite au four, dans une feuille de bananier. Sans oublier tiagda, une viande cuisinée avec des légumes, sauce tomate et épices. Comme en Arabie saoudite, le riz à la viande (Al Kabssa) est incontournable. Au dessert, ce sont les fruits ou la Mahallabia qui dominent. Le thé noir est de mise après le dîner. Après, rebelote dans les souks. Pendant le mois sacré particulièrement, Sanaa est à son tour gagnée par la société de consommation. Bédouins et citadins préfèrent déambuler dans les labyrinthes de ruelles et des souks : un lieu de socialisation entre les systèmes de valeurs du monde tribal et ceux du monde urbain. Epices, tissus, provisions, encens … les souks sont très bigarrés. «Que ce soit à Sanaa, Ta'izz, Aden ou encore Hadramaoute, vous êtes toujours au Yémen, mais chaque ville et chaque mouhafazeh a ses propres couleurs, ses propres senteurs, ses propres spécialités», poursuit Hani. Mis à part la prière et les visites des familles, ce sont les soirées du qat (Al Maquil) qui raflent la vedette. C'est un rite de cohésion sociale, précise Yahia Hani. Léger, euphorisant, le qat est une véritable institution au Yémen, un phénomène de société. Hommes, femmes et enfants en consomment sans modération le soir. «C'est un pivot de la vie sociale. Sa particularité réside essentiellement dans le rite éminemment convivial qui accompagne sa consommation», poursuit Yahia. La mastication du qat se caractérise par des séances de crachotement ininterrompu et se fait toujours accompagnée d'eau fraîche et de la possibilité de fumer le narguilé. En plus du narguilé, les Yéménites fument aussi Al Madaâ. Un narguilé traditionnel plus grand qui permet de fumer Al Jirak (tabac noir) ou encore le tabac jaune brut.