De Tabarka, au nord-ouest du pays, jusqu'à Djerba, au sud-est, la côte tunisienne s'étire sur plus de 1300 km. De Gammarth, le lieu de détente des Tunisois, jusqu'à Monastir en passant par Sousse et Port El Kantaoui, les stations touristiques se succèdent le long des plages de sable blanc, attirant de nombreux touristes maghrébins et européens. Au-delà du balnéaire qui attire la quasi-majorité des touristes, le pays veut désormais accueillir ses visiteurs tout au long de l'année en promouvant des soins thalasso et en misant sur le tourisme résidentiel qui semblent intéresser la clientèle algérienne. Le ramadhan est devenu quant à lui un argument de vente. Désormais, les tours operators algériens devront se prendre en charge afin de promouvoir la destination de leur clientèle. Non pas parce qu'ils remettent en cause leurs partenaires tunisiens, avec lesquels ils développent une relation de «gagnant-gagnant», mais ils doivent, selon la donne touristique en vogue, se déplacer, vivre et toucher le produit afin de mieux le vendre, et surtout garantir une qualité de prestations de services telle qu'exigée par des Algériens de plus en plus méfiants. C'est dans cet état d'esprit qu'une délégation, composée d'une dizaine de représentants d'agences de voyages et de journalistes, s'est déplacée en ce mois de ramadhan en Tunisie, dans le cadre d'un éduc-tour organisé par l'Office national du tourisme tunisien (ONTT). La mission nous a permis de s'imprégner des nouvelles techniques de vente, des nouveaux produits que développe cette destination. Si, en Algérie, les vacances sont finies en raison de l'avènement du mois de ramadhan, en Tunisie, la saison estivale bat son plein en ce mois sacré. Pour les professionnels du tourisme tunisien, le ramadhan, qui tombe cette année en pleine saison, est un coup dur, car si les clients européens sont sur place, la majorité des touristes algériens et libyens ont plié bagage dès l'annonce du début du jeûne. Sur les sept millions de visiteurs recensés en moyenne chaque année en Tunisie, près de trois millions viennent des deux pays voisins, la Libye et l'Algérie. L'industrie touristique tunisienne semble connaître une baisse de régime durant cette période. A en croire les professionnels du secteur et l'état des réservations effectuées auprès des tours operators et des agences de voyages, les touristes algériens et libyens, qui représentent près de 40% des arrivées durant la haute saison, sont moins nombreux sur les plages en ce mois sacré. Après un rush constaté entre le 15 juillet et le 10 août, le nombre de touristes algériens a nettement baissé depuis le début du mois de ramadhan qui occupera cette année les deux tiers du mois d'août contre une semaine seulement l'année écoulée. Les tours operators algériens estiment la baisse des réservations à 40% tout au long du mois d'août courant comparativement au même mois de 2009, où 76 000 Algériens ont fait le déplacement en Tunisie. A Kairouan, Monastir ou Sousse, nous avons constaté très peu touristes issus de pays musulmans. Du côté des Libyens, les estimations chiffrées ne sont pas disponibles d'autant plus que les séjours se font généralement sans réservation préalable. Cela n'empêche pas les professionnels du secteur de constater un recul du nombre des Libyens depuis. A fortiori, la baisse du nombre des touristes maghrébins ne s'explique aucunement par l'absence d'offres répondant aux attentes. Le tourisme tunisien se trouve aussi affecté par la baisse des visiteurs européens et occidentaux du fait de la crise financière. Anticipation pour le Ramadhan Les opérateurs tunisiens ne se désespèrent pas. Ils ont en effet tout prévu pour assurer des séjours agréables aux touristes maghrébins. Outre les tarifs préférentiels proposés, les hôtes de Tunis ont eu droit à des repas d'Iftar et de S'hour servis dans des restaurants réservés aux jeûneurs, ainsi qu'à des amuse-gueules et à des boissons rafraîchissantes ou encore chaudes pendant les soirées.Un programme d'animation spécial ramadhan adapté à la clientèle algérienne en particulier, et maghrébine en général, fut concocté dans un cadre qui répond à cette période, mais aussi aux goûts des uns et des autres. Des spectacles et des animations artistiques ont été offerts gratuitement dans les hôtels et les lieux publics, alors que les navettes spéciales étaient disponibles pour ceux qui souhaitaient accomplir les prières surérogatoires dans les mosquées. Une ambiance exceptionnelle animait les différents sites et hôtels. «Une ville qui ouvre tard ne peut pas plaire à un touriste venu s'amuser et régaler», nous fait savoir Ghassen Dridi, inspecteur du tourisme auprès de l'Office national du tourisme tunisien. «Mettre en valeur une station touristique, c'est bien. L'animer, c'est beaucoup mieux», avoue-t-il. Nous avons remarqué lors de notre passage dans trois régions distinctes que le mois de ramadhan n'a pas été un handicap pour l'essor du tourisme tunisien. «Bien au contraire, c'est un argument de vente», nous dit-on. Cette année, les tours operators étaient dans l'obligation d'adapter leur agenda et calendrier afin de faire face à cette nouvelle donne. Les autorités tunisiennes ont conçu un riche programme à cette occasion, malgré la baisse de la demande, dont une minorité d'Algériens qui ont choisi de profiter de leurs vacances en Tunisie. Du côté des touristes européens, les flux restent globalement stables durant ce mois d'août, d'autant plus que la Tunisie demeure l'une des destinations les moins chères dans le bassin méditerranéen. A deux heures de vol des principales capitales européennes, Tunis figure parmi le Top 3 des destinations préférées des Français pour l'été 2010. Un manque à gagner Le tourisme constitue la principale source de l'économie tunisienne. La baisse du nombre de touristes maghrébins, surtout algériens, s'est fait sentir. Le manque à gagner est assez important cette année. Hatem Mehai, manager de l'agence Pegasus Tours, affirme que la saison estivale 2010 a été dure. Elle a démarré au ralenti à cause de la Coupe du monde du football et piétinée à cause du mois de ramadhan. L'agence Pegasus Tours a dû programmer des séjours en ce mois à la demande d'une dizaine de clients, au total 20 personnes. Des familles qui ont pris une dizaine de jours dans des hôtels de 3 à 4 étoiles à Nabeul et Gammarth. L'agence de Hatem a pris en charge 120 personnes durant les mois de juin et juillet. L'agence algérienne Anywhere Tours a connu la même situation que Pegasus. «Nous avons connu une importante baisse d'activité durant le mois de ramadhan», nous fait savoir son représentant, Hamza Amezaine, ajoutant que le flux de touristes algériens a été connu durant les mois de juin et juillet, dont 70% sont des familles. Pour notre interlocuteur, le mois d'août a été totalement rayé du programme, même si la promotion de la Tunisie a été maintenue. Loin de l'ambiance ramadhanesque d'Algérie, les villes de Sousse et de Monastir sont restées animées de jour comme de nuit. On ne ressent absolument pas que c'est le ramadhan. Les boutiques, les restaurants et bien d'autres commerces sont ouverts tout au long de la journée. Les autorités ont obligé les commerçants de laisser leur magasins ouverts jusqu'à une heure tardive de la soirée, parfois jusqu'au petit matin. Les villes et les médinas doivent être animées. Les petits cafés traditionnels comme les bistrots sont ouverts. Les festivals d'été sont exceptionnellement prolongés jusqu'à la fin du mois d'août, avec la participation de stars arabes et d'orchestres de musique traditionnelle. Les touristes arabes ne sont pas les seuls à être choyés en ce mois de jeûne. On est également aux petits soins à l'endroit des touristes européens, dont certains semblent enthousiastes à séjourner dans un pays musulman, pendant un mois de jeûne. Les autorités tunisiennes sont engagées à relever le défi et à vendre leur destination même en période de ramadhan, durant les sept prochaines années. On s'évertue ainsi, par différents moyens, à séduire les milliers de visiteurs arabes afin qu'ils n'interrompent pas leurs vacances, avec à la clef une restitution de l'ambiance ramadhanesque tant prisée. Des excursions nocturnes, des balades théâtrales, à la nuit tombante, des soirées musicales dans les artères sont autant d'activités envisagées pour maintenir toute une économie qui fait vivre les magasins, les hôtels, les restaurants… La Tunisie a décidé de faire de cet événement, le mois sacré, un produit nouveau, un moment fort du tourisme, étant donné que le ramadhan va coïncider pour les sept prochaines années avec la haute saison touristique.