La lutte contre le marché informel ne doit pas se limiter aux contours d'un jeu du chat et de la souris entre les marchands et les agents de police. Elle doit engager d'autres moyens qui vont au-delà de la simple opération de police. C'est du moins le constat fait ces derniers jours à Oran où les policiers ont investi les hautes places du marché informel à M'dina J'dida, Point du Jour, Gambetta, Maraval, Es seddikia et ailleurs. Les étals de fortune ont été démantelés et des agents des services de sécurité ont été postés dans ces endroits pour éviter que les marchands ne reviennent les investir. Cette opération, ou du moins son «côté musclé», semble a priori avoir eu un impact négatif puisqu'elle a laissé le terrain libre aux spéculateurs qui profitent aujourd'hui d'une aubaine tombée du ciel. «Ils ont maintenant les mains déliées, ils peuvent pratiquer les prix qu'ils veulent. La concurrence que leur faisait vivre le commerce informel a disparu et ils profitent de la situation», affirme un citoyen rencontré à Point du jour. Nous avons constaté, sur le terrain, cette folie qui s'est emparée des commerçants installés dans les marchés couverts. A titre illustratif, la pomme de terre qui est cédée à 25 Da le kilogramme au marché de gros est vendue, moins d'une centaine de mètres plus loin, à 45 voire 50 Da. «C'est une aberration et le commerce tel qu'il est pratiqué par ces marchands ne répond à aucune logique et n'est soumis à aucune loi. Ils n'ont aucune charge hormis la location du carré qu'ils n'ont pas réglée depuis des années. Ils ne paient pas les frais de transport puisqu'ils utilisent des brouettes pour transporter leurs marchandises et vous voyez comment ils font flamber les prix», dira un citoyen au marché Les Mimosas. Plusieurs citoyens que nous avons approchés ont estimé que la lutte contre le commerce informel devrait être menée sur plusieurs fronts. Les actions de la police devraient être appuyées par un travail de fond des services du secteur du commerce, d'hygiène et des impôts. «Les clandestins ont été chassés et au lieu d'ouvrir la voie vers le retour du droit et de la légalité, ce sont les spéculateurs qui ont eu une chance inespérée de mieux déplumer les citoyens», affirme un habitant d'Es Seddikia. Il y a quelques jours et alors que les policiers étaient affairés à mener la guerre au commerce informel, des agents du fisc s'étaient déversés sur le terrain pour une opération de contrôle entravée par une grève sauvage décidée par des commerçants qui ont baissé rideau. Depuis plusieurs jours, des rumeurs faisant état de l'arrivée d'Alger d'une équipe de «limiers» du fisc avaient contraint des grossistes de M'dina J'dida et Sidi El Hasni à fermer. «Nous achetons notre marchandise sans facture et auprès de fournisseurs qui agissent ouvertement dans le marché noir. C'est à ce segment du commerce que les contrôleurs doivent s'attaquer», dira un commerçant qui a préféré, comme beaucoup de ses pairs, baisser rideau au lieu d'affronter les questions des agents du fisc. Aujourd'hui, plusieurs points de vente informels, qui ornaient des quartiers de la ville, sont placés sous surveillance policière pour éviter le retour des étals sauvages. C'est une guerre d'usure qui reviendra à celui qui fera preuve de patience. D'un côté des agents de police qui ont été instruits pour empêcher toute réimplantation des marchés informels et d'un autre des marchands qui attendent un relâchement de la surveillance pour revenir comme au bon vieux temps réoccuper les lieux. En attendant, les spéculateurs, en jouant au chat et à la souris avec les contrôleurs du fisc, se frottent les mains puisqu'ils peuvent soumettre, à leur guise, les ménages à leur loi.