Oussama Ben Laden n'est-il qu'un chef djihadiste avide du sang des Occidentaux et de leurs serviteurs dans le monde arabo-musulman ? Cette image de sanguinaire lui colle bien à la peau mais l'homme des grottes vient de montrer un autre visage. Celui de l'écologiste qui veut bichonner la planète Terre. Bien que toute flânerie dans les pavillons du Salon international de l'automobile à Paris lui soit interdite, – il aurait bien pu nous renseigner sur les qualités écologiques de la voiture électrique – Ben Laden n'est pas du genre à se laisser décourager à la première réprobation. Tenace et persévérant, l'ennemi qui court toujours a tenu à dire son mot sur les changements climatiques et les catastrophes naturelles qui en découlent. En 24 heures, seulement, il a enregistré deux bandes audio dans lesquelles il a exprimé son désarroi. Alors que les spécialistes américains de la lutte mondiale contre le djihadisme islamiste croient savoir que les dirigeants d'Al Qaîda sont impliqués dans le vaste complot terroriste visant l'Europe, à aucun moment Ben Laden n'a été déstabilisé par ces accusations. Son discours écologique est resté fluide. Sans le moindre souvenir au sujet du terrorisme écologique, dénoncé par Barack Obama face à l'étendue de la marée noire dans le Golfe du Mexique, le leader d'Al Qaïda a axé ses deux interventions sur le Pakistan post-inondations. Il ne comprend toujours le peu d'empressement des pays arabes et des pays musulmans à venir au secours de leurs frères du Pakistan. La réponse de la Turquie, de la Malaisie et des pays du Golfe persique n'a pas été à l'ampleur de la catastrophe, a regretté Ben Laden le jour même où l'Union européenne a décidé de doubler son aide financière aux populations meurtries de l'ancienne colonie de la couronne britannique. Hasard du calendrier ou attaque programmée de la part du chef d'Al Qaîda qui, à travers ses messages, voudrait mettre à nu le peu de solidarité arabo-musulmane à l'heure des grandes catastrophes ? La seconde hypothèse paraît plus plausible, Oussama Ben Laden a fait exprès de titiller les consciences, en rappelant qu'aucun dirigeant arabe ou musulman n'a pris la peine de faire le déplacement pour constater de visu l'ampleur de la catastrophe, contrairement au seul Ban Ki-moon. Le chef djihadiste aurait-il eu le «privilège» de voir de plus près ce qui s'y passe, Mme Clinton étant certaine que l'homme se cache là-bas, quelque part entre le Pakistan et l'Afghanistan ? Impossible de le savoir, seule sa voix demeure audible pour tous. Aussi, ses fâcheux rappels. Comme celui qui consiste à dire que les richesses pétrolières de la péninsule arabique «appartiennent à tous les musulmans» et, par conséquent, une partie de ce qu'elles rapportent en billets verts peut être mise à la disposition des autorités d'Islamabad afin que celles-ci puissent rendre la vie plus facile aux sinistrés. Parce ce qu'il ne peut l'être (le partage des ressources de la péninsule arabique), Ben Laden tente-t-il de remettre au goût du jour ses vœux pieux d'unification de la Oumma au sein d'une vaste République islamique ? Pétrie de sensibilisation, sa tentative buterait sur mille et une frontières que les promoteurs du projet de remodelage du Grand Moyen-Orient essayent de redessiner au nom de la démocratisation, voire au nom de l'occidentalisation. Mettre les catastrophes au service d'une improbable unification relèverait des songes fous. Et ce, bien que la patience des djihadistes ait fini par être reconnue comme la plus redoutable. Parce que tous les yeux des terriens sont actuellement rivés sur le Proche-Orient, où George Mitchell s'essaye à ranimer les discussions de paix palestino-israéliennes, Oussama Ben Laden aurait-il raté l'occasion à redire du mal de l'Etat hébreu et de son manque de sérieux, histoire de renforcer les liens entre pays arabes et musulmans ? Il a cherché à le faire par le passé, à maintes reprises, en vain. Ne lui reste que les catastrophes naturelles pour réussir l'impossible.