Il ne pouvait pas s'attendre à mieux de la part de ses frères chiites du Liban. Le Président iranien a été accueilli en héros par les fidèles de Nasrallah and Co. Une popularité qui ne plaît pas à tous, l'invité a déjà reçu un tas de menaces de mort. Pour le député national-religieux israélien, Arieh Eldad, Mahmoud Ahmadinejad ne doit tout simplement pas revenir vivant du pays du Cèdre. Le parlementaire incite l'Etat hébreu à ne pas rater l'occasion de liquider physiquement le chef de l'Etat iranien quand il sera au Sud-Liban. Quitte à mettre toute la région à feu et à sang, Arieh Eldad pense qu'il faut donner le compte à ce Président provocateur qui semble n'avoir qu'une raison de vivre : rayer l'Etat hébreu de la carte, à défaut de le déplacer ailleurs. Mais qu'il n'en fasse pas trop, une fois sur place, le roi Abdallah d'Arabie Saoudite a prévenu le Président Ahmadinejad quant à la création d'une situation irréversible au Liban. Comme beaucoup de Libanais, les Saouds craignent-ils que la visite de Mahmoud Ahmadinejad ne soit décryptée en un signal au Hezbollah libanais, qui fort du soutien de son grand frère iranien, s'aventurerait à prendre tout le Liban par la force ? Ainsi, l'hôte du pays du Cèdre est invité à respecter les équilibres politiques internes, une nouvelle implosion aurait un effet dévastateur sur l'ensemble de la région. Avant de s'envoler pour le Liban, le chef de l'Etat iranien a pris le soin de s'entretenir personnellement avec ses homologues, syrien, jordanien et saoudien. Que les trois dorment sur leurs lauriers, la République islamique d'Iran défendra l'unité nationale du Liban. Il n'est pas question de favoriser la communauté chiite par rapport à une autre (exception en Irak ?) mais il s'agit de renforcer la résistance des peuples de la région contre les ennemis. Contre l'Etat hébreu qui, en fin de course, a fini par ressortir ses conditions préalables pour conclure la paix et par tracer ses vieilles lignes rouges. Les pays de la région, les Palestiniens et les Syriens en premiers, doivent savoir que toute restitution d'un territoire occupé devra passer par un référendum en Israël et dont il est inutile de méditer sur les résultats. Quant au chemin escarpé de la paix, les Palestiniens sont priés de reconnaître d'abord le caractère juif de l'Etat d'Israël (démocratique que pour les étrangers) dans la perspective de leur propre Etat. Les Etats-Unis, qui se sont inquiétés de la visite du Président Ahmadinejad au Liban, s'inquiéteront-ils des exigences que l'Etat hébreu est en train de dépoussiérer afin de bénéficier pleinement du temps qui sera consacré à la colonisation et à l'agrandissement des grandes colonies déjà existantes ? «Piégé» par son allié israélien, le gouvernement Obama, qui veut savoir qui est en train de financer la campagne publicitaire anti parti démocrate, a proposé aux Palestiniens qu'ils formulent leur propre offre de paix. Une manière de se laver les mains quant à un inévitable échec des pourparlers directs et de se déclarer inapte à rapprocher les positions palestino-israéliennes ? Au Sud-Liban, le Président Ahmadinejad manquera-t-il de «faire un clin d'œil» au Hamas palestinien, autre résistance légitime que ses ennemis occidentaux considèrent comme organisation terroriste à part entière ? Tout en faisant le lien entre les deux mouvements résistants, il devrait rappeler que la formation de cheikh Nasrallah a bel et bien arraché la victoire au Sud-Liban et qu'Ariel Sharon n'a fait que l'entériner, malgré lui. Mais que le Liban devienne, au final, une République islamique, le Président Ahmadinejad peinerait à faire avaler la pilule aux réformistes libanais et à ceux de Cisjordanie. L'axe Washington-Tel-Aviv ne manquerait pas, lui, de dire tout le mal qu'il pense du projet final de la vieille Perse : islamiser tout le Grand Moyen-Orient que l'administration Bush n'a pas réussi à occidentaliser par les deux premières guerres préventives. Les héritiers et les otages du choc des civilisations ne rêvent même plus de paix confisquée.