L'OtAN devait redéfinir, à Lisbonne, à l'occasion de son sommet dont les travaux ont débuté hier, son rôle et ses missions. Son «concept stratégique» dans le jargon de l'Alliance atlantique. Soixante et un ans après sa création, dix ans après son dernier «concept», l'Alliance atlantique juge utile de repréciser son rôle dans un monde où de nouvelles menaces (le terrorisme, les attaques contre les réseaux informatiques, la dissémination de l'armement balistique…) ont fait leur apparition. Quant à la Russie, l'ennemie d'hier, l'Otan aimerait la transformer en partenaire, tant dans le cadre de la guerre en Afghanistan que dans son projet de défense antimissile, un «bouclier» qui, d'ici à une dizaine d'années, ne protègerait plus seulement les troupes déployées mais tout le territoire de l'Alliance. Moscou reste toutefois très prudente. Elle réclame des garanties, tant sur la portée de ce nouveau système que sur les menaces qu'il pourrait faire peser sur l'arsenal stratégique russe. Du côté européen, on s'interroge plutôt sur le coût et l'efficacité de ce «bouclier», dont rien n'a démontré jusqu'ici qu'il pourrait être un jour réellement performant. Ce n'est pas la seule discussion qui aura agité l'Otan à la veille du sommet de Lisbonne, qui réunit tant les chefs d'Etat et de gouvernement, que les ministres des affaires étrangères, leurs collègues de la défense et de hauts responsables militaires. Dans le camp européen, Paris et Berlin ont ferraillé sur la place de l'arsenal nucléaire. La France estime que la défense antimissile ne sera qu'un «complément» du nucléaire, Berlin voulait faire passer l'idée qu'elle serait un «substitut» et qu'à terme, l'objectif était un désarmement nucléaire complet. L'accord sur le bouclier qui sera annoncé à Lisbonne n'évoquera pas, en tout cas, le retrait des armes nucléaires tactiques américaines entreposées en Europe, comme l'ont demandé, il y a quelques mois, des dirigeants allemands mais aussi norvégiens, belges, néerlandais, etc. Outre l'Afghanistan, qui fera l'objet, aujourd'hui, d'une réunion de tous les pays qui contribuent à la Force internationale d'assistance à la sécurité (ISAF), un autre sujet s'invitera discrètement à la table des discussions : la question des dépenses européennes dans le domaine de la défense. Elles sont à la baisse dans de nombreux Etats, ce qui creuse le fossé entre Américains et Européens au sein de l'Alliance. Au point de pouvoir remettre en cause, demain, le «lien transatlantique», qui sert de base à l'Alliance. Au sein de la «zone Otan», les Etats-Unis procèdent désormais, à eux seuls, à 73% des investissements dans le domaine de la défense. Divisée suite aux prises de position unilatérales de l'administration Bush, l'Otan est aujourd'hui politiquement ressoudée, mais l'administration Obama entend bien démontrer aux Européens que s'ils veulent rester des partenaires, ils doivent assumer leur part du fardeau.