Né dans les maquis de la Révolution algérienne, le cinéma national a réussi dans les années 1970 à s'imposer sur la scène internationale. Le désengagement «brutal» dans les années 1990 de l'Etat, unique source de financement de cette industrie, a précipité sa régression, voire sa disparition. D'où la nécessité d'un nouveau texte de loi sur le secteur régit par une ordonnance de… 1967. Le nouveau projet de loi relative à la cinématographie proposé hier à débat à l'APN a, le moins que l'on puisse dire, soulevé moult interrogations quant à la volonté de l'Etat de relancer sérieusement le secteur. Dans son rapport préliminaire - très critique pour une fois - la commission de la culture de l'APN a même refusé l'article 5, qui soumet à «approbation du gouvernement» toute production de films «relatifs à la guerre de Libération et à ses symboles», mais il figure toujours sur le rapport préliminaire. Elle a apporté également de nombreux amendements (de forme ou de fond) sur le texte jugé «superficiel». Reconnaissant «l'anarchie qui règne dans le secteur», la ministre Khalida Toumi a tenté d'expliquer la portée du projet de loi qui a pour objet, comme stipulé dans son article premier, «de fixer les règles générales relatives à l'activité cinématographique et à son exploitation et sa promotion». Voulant rassurer et les professionnels et les membres de la commission, elle affirmera que «notre but n'est pas de museler les initiatives ni de créer des obstacles mais de mettre des cadres juridiques, politiques et d'ordre organisationnel pour ce secteur à caractère industriel et commercial». Elle en veut pour preuve l'éviction de certains articles du texte pour ne pas enchaîner les professionnels. La ministre a insisté sur la volonté de l'Etat à redorer le blason du cinéma algérien et a appelé à «l'aide de tous» pour la récupération des salles de cinéma détournées de leur vocation première. Il existait au lendemain de l'Indépendance 473 salles contre seulement 15 exploitées aujourd'hui. La représentante du gouvernement a affirmé dans ce sens que l'Etat a récupéré 48 salles, tout en tenant à rassurer les collectivités locales qui gèrent ces espaces que si l'Etat décide de les récupérer c'est surtout pour leur restauration. Elle annoncera que l'Etat va lancer un centre national pour les archives et transformer l'Institut national des arts dramatiques de Bordj El Kiffan en Institut supérieur des arts cinématographiques. Si certains députés se sont réjouis que le cinéma algérien puisse enfin avoir un cadre juridique, d'autres n'ont pas hésité à soupçonner une volonté de museler la liberté d'expression. Le député Taazibt du PT s'est réjoui de l'existence «enfin» de ce nouveau texte et a affiché la volonté de sa formation politique à aider l'Etat. C'est le cas aussi de différents intervenants, qui ont soulevé toutefois certaines interrogations, comme ce député qui dénonce le fait que l'Etat ne puisse pas créer un institut national, se contentant de transformer celui de Bordj El Kiffan. Un autre député indépendant a insisté sur la liberté de création, mais les plus virulents sont ceux du RCD, à l'instar de Nordine Aït Hamouda qui s'interroge sur l'article 5 et ses visées. Son compère, chef du groupe parlementaire de la même formation, Othmane Maazouz, estime que le projet de loi donne une définition complètement confuse de l'exercice cinématographique. «Il n'y a d'éthique que lorsqu'il y a liberté», fera-t-il remarquer non sans relever la nécessité «de sortir de ce bricolage». «De quel droit et par quelle légitimité les pouvoirs publics seraient-ils habilités à autoriser ou non un film sur la guerre d'Indépendance», s'est-il interrogé, considérant que conditionner la production de films sur la guerre à une autorisation du gouvernement «intolérable et inacceptable».