Dans notre société, le handicap est perçu comme une «tare» que l'on cherche à dissimuler. Ces propos de Zoubir Arous, professeur en sociologie au Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (Cread) de Bouzaréah, ne sont pas prononcés à la légère, mais résultent d'une étude sociologique qu'il a récemment accomplie sur l'insertion du handicapé dans le monde du travail. Ce sociologue est arrivé à la conclusion que plusieurs angles sont à revoir sérieusement. «Avant de parler d'insertion du handicapé dans le milieu du travail, il faudrait commencer par réviser l'espace social dans lequel il vit, notamment les routes et passages appropriés, les sanitaires publics, les moyens de transport, etc.», a-t-il souligné, ajoutant que tout cela est additionné au manque de civisme ancré dans les mentalités. Autrement dit, la société impose au handicapé les mêmes efforts que ceux fournis par un non-handicapé. Le même schéma se reproduit dans le contexte professionnel où le handicapé évolue dans un milieu qui n'est pas adéquat à son impotence. Et paradoxalement, l'entourage du travail marginalise le handicapé moteur, le classant à la même échelle que le handicapé mental. C'est la raison pour laquelle beaucoup d'employeurs discriminent ces personnes, en leur accordant des rémunérations moins importantes que celles des autres, à titre d'exemple. Les administrateurs de recrutement se comportent pareillement et les orientent vers des entreprises spéciales, alors qu'ils pourraient réussir dans d'autres domaines professionnels. «Mais faudrait-il que ces entreprises existent ! Même celle d'Hussein Dey où des aveugles fabriquaient des balais et des brosses a été fermée.» Ajoutée à cela l'inexistence d'une «politique» qui prépare le handicapé à affronter le monde du travail. Cette carence commence déjà dans les centres spécialisés que notre sociologue a eu le soin de visiter. «Ces centres ne sont pas adaptés à la situation des handicapés de par leur répartition géographique, au nombre des handicapés qui ne cesse de croître, sans oublier la formation du personnel qui n'est pas préparé à certaines situations et l'état de vétusté des moyens utilisés (appareils pour les sourds-muets et ceux pour le braille)», a ajouté M. Arous. Mlle Fatma Kebour, attachée de recherches en sociologie, a pour sa part mis l'accent sur l'aspect psychologique des handicapés. Un aspect qui pourrait carrément nuire à l'évolution de leur situation dans notre société. Tout commence dès l'enfance, selon elle. L'enfant handicapé naît avec cette idée qu'il n'est pas accepté tel qu'il est. «Dehors, les choses se compliquent davantage et les portes se referment devant lui.» Résultat : manque d'assurance et repli sur soi. Deux réactions qui ne l'aident guère à avancer dans la vie professionnelle, de l'avis de Mlle Kebour.