Samedi, Christopher Ross s'est rendu, encore une fois, à l'évidence qu'aucun progrès n'a été enregistré durant le quatrième round des négociations informelles entre le Maroc et le Front Polisario qui a eu lieu du 16 au 18 décembre à New York. Les efforts du représentant personnel du secrétaire général de l'Onu pour le Sahara occidental se sont avérés vains et n'auront donc servi qu'à convaincre les deux parties impliquées dans le conflit sahraoui du maigre résultat de se rencontrer, à nouveau, du 20 au 21 janvier prochain dans un lieu non encore déterminé. L'origine du blocage Les raisons du blocage du maigre espoir de voir «s'améliorer les conditions minimums en vue d'une solution politique négociée» auquel M. Ross voulait encore croire sont bien connues puisqu'à la veille de la rencontre de New York, le porte-parole du gouvernement marocain, Khalid Naciri, déclarait haut et fort qu'une solution au conflit sahraoui était «inimaginable» en dehors du plan d'autonomie marocain. Une ligne rouge qui signifie l'annexion pure et simple du territoire sahraoui. Cette condition préalable de Rabat a été, comme il fallait s'y attendre, rejetée avec la même fermeté par le Front Polisario qui a plaidé, de son côté, pour la tenue d'un référendum d'autodétermination dans l'ancienne colonie espagnole, conformément à la légalité internationale. Et au passage pour que l'impasse ne soit pas faite sur l'enquête internationale réclamée par la résolution du Parlement européen sur ce qui s'est passé, le 8 novembre dernier, depuis la prise d'assaut du camp de toile de Gdeim Izik par les forces marocaines. Malgré la multiplication des appels, ces derniers jours, à travers le monde en faveur du parachèvement de la décolonisation du territoire sahraoui sur la base des résolutions des Nations unies, et la condamnation unanime dont il a fait l'objet de la part de communauté internationale pour les massacres du camp de toile de Gdeim Izik, la délégation marocaine était restée inflexible sur sa position. Où se trouve la solution ? La question que tout le monde peut se poser, aujourd'hui, est de savoir si cette série de négociations informelles peut encore servir à quelque chose. En réalité s'il n'existe pas d'autre cadre de négociations que celui de l'Onu s'agissant de la question d'un territoire non autonome occupé militairement, en 1975, par une puissance étrangère en dehors de toute légalité internationale, la preuve vient d'être donnée, une fois de plus, que la solution à ce problème est ailleurs. Elle n'est ni entre les mains du Maroc, ni entre celles du Front Polisario, et ne se trouve pas davantage au niveau des Nations unies mais en France, la puissance qui use du droit de veto et abuse des manœuvres pour empêcher l'application des résolutions du Conseil de Sécurité dotées, pourtant, de force obligatoire. La France, principale alliée du Maroc au Maghreb est le seul pays qui soit à l'origine du blocage du processus de décolonisation du Sahara occidental parce qu'un Etat hispanophone indépendant viendrait casser la logique géostratégique dans ce reste de son ex-empire colonial en Afrique. Voilà pourquoi c'est à Paris et nulle part ailleurs que le ministre marocain des Affaires étrangères, Fassi Fihri, s'est rendu, la semaine dernière, à la veille de l'ouverture des négociations de New York, pour demander et obtenir, publiquement une nouvelle fois, le soutien de son homologue française, Mme Alliot-Marie, au plan d'autonomie avancé par le roi Mohamed VI pour le Sahara occidental. Le chef de la diplomatie marocaine a profité de son séjour dans la capitale française pour proposer au président Nicolas Sarkozy et à son épouse Carla Bruni de passer leurs vacances de fin d'année au Mamounia (Marrakech). Une invitation pour un séjour doré dans ce lieu paradisiaque où Jacques Chirac s'y faisait inviter régulièrement par la famille alaouite, acceptée avec plaisir par le couple Sarkozy. Le lobby espagnol pro-marocain C'est également à Paris, où tout porte à croire qu'une nouvelle stratégie de blocage de la question sahraouie est en train de se mettre en place, que s'est rendue, vendredi dernier, la ministre espagnole des Affaires, Mme Trinidad Jimenez, qui, comme son prédécesseur à ce poste, Miguel Angel Moratinos, aime l'hospitalité marocaine dont elle a hérité de l'ex-président socialiste Felipe Gonzales. Aux dernières nouvelles, ce chef de file du lobby pro-marocain notoire aurait été désigné par Gas Natural pour conduire le médiateur dans le contentieux gazier qui l'oppose à Sonatrach, et pourquoi pas tenter de faire la promotion d'un rapprochement entre l'Algérie et le Maroc… aux frais des Sahraouis. A l'initiative de Madrid, il a été convenu dans la capitale française de faire activer le groupe des Amis du Sahara occidental composé des quatre pays membres du Conseil de sécurité (France, Etats-Unis, Royaume-Uni et Russie) en plus de l'Espagne, en tant qu'ancienne puissance coloniale de ce territoire. Le gouvernement socialiste a choisi de préparer le terrain en s'appuyant sur le précieux soutien de la France à une plus grande implication de ce groupe dans les négociations entre le Maroc et le Front Polisario. La formule avancée par Mme Jimenez est habile. Officiellement les grandes puissances qui siègent au Conseil de sécurité sont sollicitées pour «aider le Maroc et le Front Polisario» à avancer vers une solution négociée du contentieux qui les oppose depuis plus de 35 ans. En réalité, l'objectif n'est pas moins que d'imposer la proposition marocaine comme unique base de travail aux négociations informelles. La «solution imposée» La France et l'Espagne n'ont jamais fait mystère de leur soutien à l'initiative marocaine. Une telle démarche suppose l'option, à terme, au niveau du Conseil de sécurité de l'Onu d'une «solution imposée» (la solution marocaine). Pourtant, les gouvernements français et espagnol s'étaient fermement prononcés contre une telle approche lorsque, le 16 juillet 2003, le Conseil de sécurité avait adopté le Plan Baker à l'unanimité de ses membres. Il faut craindre donc que le conflit sahraoui ne se prolonge indéfiniment en raison du jeu trouble de l'ex-empire colonial français qui tente, désespérément, de sauver ses dernières bases en Afrique, au mépris de la légalité internationale et des principes majeurs du droit international, dont le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.